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EMMILA GITANA
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8 juin 2017

J'OUBLIE

J'oublie Gaza

la Tchétchénie

Guantanamo.

J'oublie les écoles incendiées et les enfants brûlés vifs

les parents aux yeux éteints

- d'où toute lumière a soudain disparu.

J'oublie les enfants bourrés de résidus chimiques

ceux qui à chaque instant frappent à la frontière

d'une vie inconnue. Mais personne ne leur ouvre.

J'oublie le fanatisme des matches de football

l'éternelle bousculade les braillements des spectateurs qui veulent leur mamelle.

J'oublie ceux qui luttent pour davantage de vacances

davantage de temps sans les autres.

J'oublie qu'une cuite est déjà un petit séjour

à la clinique de désintoxication (aussi nommée la Cale sèche).

J'oublie les milliers d'antennes de télé plantées partout

espèce d'extincteurs qui crachent des images de rêve

jusqu'à ce que les rêves explosent dans toutes les têtes.

 

 

J'ai déjà mentionné les politiciens

mais j'oubliais de dire qu'ils font partie de la bêtise

du cynisme

de l'étroitesse d'esprit

de l'hypocrisie

du calcul glacé

de ce qui mène directement au pouvoir.

Les terroristes aussi je les ai mentionnés

mais j'oubliais de dire qu'ils font partie de la bêtise

du cynisme

de l'étroitesse d'esprit

de l'hypocrisie

du calcul glacé

de ce qui mène directement au martyre.

 

La langue aussi je l'ai oubliée au milieu de tout ça

et la jouissance retorse que l'on éprouve à retourner ses mots et ses idées. Retourner. Retourner

si bien que pour finir rien n'est ce qu'il paraît être.

Rien : toujours déguisé autrement.

J'oublie que la langue n'est plus fiable

cette langue retouchée et archi-pelotée

une langue pleine de coupures, d'ajouts et de recollages.

Une langue qui ne sait plus que citer le mensonge.

 

J'oublie que la guerre des religions ne finit jamais

parce qu'on n'en finit pas de se battre pour la vérité.

J'oublie que tous ceux qui croient ont vu la lumière

trouvé la vérité.

J'oublie qu'ils sont toujours sur la bonne voie.

Tous les autres ont trouvé le mensonge

et doivent avancer à tâtons dans une obscurité éternelle

prendre la route qui mène directement au vide

à l'inanité

à l'insanité.

Comme si la seule manière d'éviter le vide

était de s'enrôler dans la guerre.

 

 

J'oublie les services secrets et leurs officiers

attachés au secret.

J'oublie les centrales nucléaires

photographiées par un lointain satellite.

J'oublie que le premier secret

dévoile en secret le deuxième.

J'oublie les nationalistes furieux

pour lesquels la nation n'est qu'une famille contrefaite

malheur à qui n'en est pas membre :

il faudra le chasser avant potron-minet

à l'aide du balai, de la poële et de torchons mouillés s'il le faut.

 

 

J'oublie tout ce qu'une haine peut renfermer de détresse

même si la détresse ne renferme aucune haine.

La détresse est toujours toute seule : privée de compassion

privée d'avenir aimé

privée de sens aimé.

J'oublie les femmes obligées de vivre toute une vie voilées

parce que les hommes tremblent de peur devant leur propre lubricité.

Pas de corps aimé. Pas de caresses.

J'oublie le suicide par internet

les fonds de spéculation

les empires médiatiques.

J'oublie les procès intentés aux dictateurs affaiblis

pour qui l'enfance de l'art est de simuler la folie.

J'oublie les images glacées des réclames montrant le chemin qui mène tout droit au bonheur

- Oh, le bonheur !

 

J'oublie combien le monde est merveilleux.

Pardon si j'ai dit

autre chose.

 

 

.

 

 

NIELS FRANK

Traduit du danois par Monique Christiansen

 

 

.

 

 

 

dali5,

Salvador Dali

 

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