LES JARDINS DE L'ARTHROSE ‒ Extrait 1 et 2
Van Gogh a peint ce soleil qui répand
son soufre sur les jardins de l'arthrose
Comment en verrions-nous la lumière aveuglante
Mais nous savons que c'est ici
à des fractures mal scellées
à des divorces de jointures
à de froides incandescences
Il m'arrive l'image noire
de buissons retournant contre eux-mêmes
leurs épines
greffes de la folie
Les oiseaux ne se posent pas
ils s'accrochent
à quelque défaut de paroi
à quelque frottement
de branches contrefaites
ils ne jouent de la flûte ni du violon
mais du bec
cela fait
un bruit d'horloge
inconsolable
Il m'arrive la rumeur
de racines forant
la calamine et le cambouis
comme des doigts de sculpteur fou
d'équarisseur
et le feu prend figure
d'un geste qui délie des gerbes de vipère
d'un mouvement qui fait
jaillir des roses de scorpions
sommeil cardé par
de rugueuses vertèbres
survol vertical
de lignes à haute tension
une épeire y dessine
sans fin mon labyrinthe
…
Cependant
il m'arrive
d'apercevoir l'estuaire
au-dessus des jardins
Ce peut être du gris en son épuisement
lavé au bleu de la Genèse
et peut être un corbeau
désemparé plongeant
dans le touffu d'un vol de mouettes
c'est l'estuaire
l'estuaire
au-delà se tient
l'au-delà de tout
Je n'habiterai pas toujours l'hiver du temps
à l'insu de ce corps mal devenu
les eaux profondes
élèvent leur lumière de psaume
jusqu'au-dessus des cieux
Gloire sans épaisseur
ô souveraine apesanteur de la grâce
Je suis en ces jardins
et je suis ces jardins
Je m'éloigne
j'avance.
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SERGE WELLENS
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Oeuvre Bahram Dabiri