GRACE AU TAMBOUR
Grace au tambour volant, vieux volant, que la nuit gobe et crache en milliers d’étoiles
Grace au tambour aux mains d’arbre à pain
Aux mains de pieuvre au galop dans les cayes
Grace au tambour qui roucoule comme une femme comblée
Grace au tambour et ses fruits d’étincelles
Grace au tambour que la nuit épingle sur la corde du conte
Je te regarde femme
Aux pas de merle luisant
Aux pas de mer déchaînée
Torturant ma mémoire d’homme stupéfait
Cœur surpris du message
Ta flamme épousant le secret des tempêtes
Grace au tambour battant sa guérilla
A fendre l’écho du ciel
Jungle de Wilfredo Lam et plus que jappement d’eau
Grace au tambour exaspéré de marcher sur le feu
De danser tous les arbres
D’effiler tous les coutelas
Je te regarde femme avaleuse de mes doigts
Cavaleuse
Et je romps les amarres du visible
Désir
Désir
Mon merveilleux navire émerveillé
Et qui glisse comme une chemise de nuit
Dans un tableau de Michel Rovélas
Fantastique lancer de couteaux aveugles
De galets d’étoiles incendiées
De choses inaccessibles comme la perle du nombril
De nageoires de raie molle comme une montre surréaliste
Grace au tambour
Grace au tambour
Et ma tour Césaire
Ma tour Picasso
Mon Guernica en chalumeau d’îles
Tes pas d’oiseau-tonnerre
J’ai crié gare à la Sosso
Gare à Léna Blou
Gare à Jacqueline Cachemire
Et gare à la fille d’Amon dont la taille haute déchire les nuages
Elles ne veulent pas d’une île prêtée. Elles veulent une île qui transpire sous les aisselles des mangroves. Une île éblouissante dont le pubis est un alcool. Une île-sexe comme la vie. Et je connais ce tourbillon, ces reins qui font la roue comme l’arbre du voyageur. Ce ravissement de toute rose. Ce ravissement de toute chose. Ce sirop de batterie…
Ce sont mes pas que tu ramasses comme des paquets de cannes, mes pas lisant la paume du tambour, mes pas-fantômes et qui reviennent tresser la vie
Je te regarde dans les chemins du monde en biguidi
En tremblade d’eau de vie
Je te regarde archive du désespoir
Ma culture ressurgie au détour des confidences passées
Mon sang traduit
Quelqu’un d’autre me parle et m’enjambe
Grace au tambour
Grace à Coltrane
Je suis d’ailleurs
Je suis d’ici
Et circule mon ombre jusqu’à la trace des vagues
Grace au tambour
Je te regarde flambeau
Vivre l’éloquence de ma chair
Devenir ce que je suis
.
ERNEST PEPIN
Faugas
Le 11 décembre 2010
.