PERSONNE NE ME CONSOLE PLUS
Personne ne me console plus, ma mère.
Ton cri n’arrive pas jusqu’à moi
même en songe. Il n’arrive pas une plume
de ton nid sur cette rive.
Les soirs bleus, est-ce toi
qui attends les mulets à la porte,
les mains cachées dans les plis de ta robe ?
Lis-tu dans le feu les combats
qui dispersent tes fils aux abords des villes ?
Un abîme entre nous, un flot nous sépare
qui coule entre les digues d’où s’élève de la fumée.
Ces étoiles sont-elles tiennes ?
Ce vent, celui de la terre ?
Est-il notre espérance
ce ciel qui accueille tes peines,
ta bonne volonté, ta demande de paix ?
Forte de ta vertu tu vis :
tu as vêtu les corps bigarrés
des pères morts. Chaque nuit
tu as trouvé la clé de nos songes,
tu as donné le blé en mémoire des morts.
Nous, sur la tour la plus haute,
nous attendons ton signal.
C’est toi qui nous appelles. Est-ce toi
la flamme blanche à l’horizon ?
Un été de deuils a réveillé aux ventres
les fautes d’autrefois,
a poussé les loups sous les murailles des bourgs.
Au soleil de midi hurlent les chiens, et la chouette
pour le lugubre hiver demande des otages.
Toi, ma mère, tu écoutes
les pleurs inconsolés des Ombres
qui ne trouvent pas le repos sous les pierres
où tombent avec un bruit sourd
les fruits pourris.
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LEONARDO SINISGALLI
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Oeuvre Henry Malfroy