Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
EMMILA GITANA
Visiteurs
Depuis la création 1 623 114
Newsletter
Archives
30 septembre 2017

PHILOSOPHIE ET POESIE...Extrait

...

La pleine actualisation de ce que nous sommes n'est possible qu'au regard d'autre chose, d'une autre présence, d'un autre être qui aurait la vertu de nous mettre en mouvement. Car il nous faut sortir de nous-mêmes ; mais comment, à cause de qui, si nous ne sommes pas amoureux? Saint Jean de la Croix écrit : «  Mon âme est employée / ainsi que tout mon bien à son service »

Pour que nous soyons pleinement nous-même, il faut que quelque chose ait rendu présent notre trésor, que ce qu'on appelle le « fond de l'âme » se répande à la surface ; que rien n'y demeure possibilité, passivité, que nous soyons enfin acte pur. L'être humain ne peut se posséder lui-même ; tout au plus peut-il posséder ses instruments, ce qu'il a en lui d'instrumental : son corps, son âme, sa pensée. Mais le plein usage, la possession absolue de ses instruments, révèle ses insuffisances. Et la perfection instrumentale s'épuise plus vite que le désir qui en use.

C'est pourquoi l'âme amoureuse ne peut demeurer en elle-même, elle n'est pas elle-même quand elle ne fait que se posséder, car elle ne réussit tout au plus qu'à posséder ses instruments. Mais en dessous, demeure quelque chose – les philosophes l'ont appelé être – de tout aussi caché qu'auparavant. Nous ne sommes même pas ce que nous possédons. Et s'il était possible de tout rassembler à un instant précis ; de rassembler, de réunir tout ce que nous possédons dans toutes ses potentialités, en acte, en corps, en âme, en pensée, nous nous rendrions compte que nous possédions très peu de chose, que l'unité continue à nous faire défaut.

Ce que le philosophe aurait dû savoir, le poète l'a toujours su. Ce n'est pas que l'unité ne lui importait pas, non ; la condamnation était injuste. Mais il a toujours su qu'il ne l'atteindrait qu'en sortant de lui-même, en s'abandonnant, en s'oubliant. « De troupeau n'ai gardé / et n'ai plus d'autre office / car dans l'amour j'ai mon seul exercice » 

Dans l'amour seul, dans l'abandon absolu, sans réserve aucune, sans qu'il ne garde rien pour lui. La poésie, c'est l'être qui s'ouvre vers le dedans et vers le dehors en même temps. C'est écouter dans le silence, voir dans l'obscurité. « Musique sans un bruit / solitude sonore »

  C'est sortir de soi, se posséder parce qu'on s'est oublié, oublier parce qu'on a atteint le renoncement total. C'est se posséder parce qu'on n'a plus rien à donner ; c'est, plein d'amour, sortir de soi ; s'abandonner à ce qu'on ne sait pas, à ce qu'on ne voit pas encore. C'est tout entier se trouver parce qu'on s'est donné tout entier.

 

...

 

.

 

MARIA ZAMBRANO

Traduit de l'espagnol par Jacques Ancet

Sur

http://allerauxessentiels.over-blog.com

.

vague

 

 

Commentaires
EMMILA GITANA
Pages
Tags
Derniers commentaires