ACCOINTANCES
La poussière des bombes m’étouffe, m’écrit une amie ce matin,
et j’ai envie de lui répondre la poussière des bombes
et celles sur ces langues sèches qui ne bougent plus,
dans nos bouches brûlées de trop d’images,
de trop de chiffres monstrueux derrière lesquels on ajoute
Enfants Tués
Enfants Cassés
Humains Écrasés,
la poussière de Paris, de Londres, de Berlin, de New York,
je vous épargnerai Beijing où la poussière est noire,
Moscou où elle est rouge de sang frais qui coule,
la poussière qui est devenue notre lot,
poussière d’idées, toutes petites pensées,
les idées noires les idées brunes,
et La peur, devenue le quotidien, celle de la poussière des bombes,
la poussière des écrits,
et les Visqueux derrière leurs écrans qui guettent,
si tu penses bien, si tu penses mal,
et pour eux le mal et le bien se sont banalisés,
objets de très grande con-sommation,
Vous êtes sommés de penser comme On veut, sinon… Gare devant,
ça menace, ça fonce, ça déchire, à mort celle-ci, aux chiens celui-là,
et tu finis tremblant dans ton fauteuil
tu dis Je ne m’occupe pas de politique je laisse cela aux gens qui savent,
je ne chanterai plus si vous le demandez,
même Alléluia,
vous y verriez une allusion, h’marr,
et Ceux qui savent te disent qu’Hannah Arendt fut une chanteuse des années 40,
dont on ne parle plus aujourd’hui car très datée,
elle voyait le mal banalisé partout,
alors que le bien est désormais norme labellisée,
nobélisée, entérinée, enterrée sous les fatras de ces discours imperturbables
des cravates et costumes bon genre, dépoussiérés, et que le mal c’est les autres,
Car les bombes ne tombent jamais sur ces gens-là, non,
dieu qu’ils fréquentent étroitement y veille,
ainsi que leurs porte-cotons, la langue prête,
puisque rien n’est trop doux pour les Rois, qui vont à leurs affaires de Rois
et aperçoivent, par éclairs, comment nous puons,
comment nous crevons,
comment nous sommes trop laids pour qu’ils nous regardent,
ayez pitié de leurs yeux, pauvres, disparaissez !
Pendant ce temps le bien et le bon ne se banalisent pas,
ils deviennent idiots et ridicules : voyez donc ces bisounours attardés,
la lippe mouillée de bonne volonté, et vous parlant d’amour,
pauvre con, tu n’as qu’à travailler pour te payer le costard,
et te payer la pute qui va avec, t’en auras de l’amour quoi,
2.000 neuros la nuit, bagatelles,
ici il y a des gens qui sont, et d’autres qui ne sont rien.
La poussière des bombes ne m’étouffe pas.
Pas encore.
J’ai encore l’œil clair,
me demandant qui les a vendues, les bombes, à celui qui les lance.
Qui prépare ses usines préfabriquées à installer dès que l’on aura balayé les cadavres,
qui se frotte les mains du futur Marché aux Voleurs,
qui, des réponses dans la foule ? … Non ? …
La poussière des bombes, moi, je la sniffe,
et je me torche le nez avec l’avant bras, avançant dans les ruines,
une grenade dégoupillée dans la main, une belle grenade aux grains rouges serrés,
une grenade à la con je ne sais pas me servir des vraies,
mais Si l’on vous dit que le bien n’existe plus,
répondez qu’il se cache, et que comme l’amour il attend son heure,
l’heure du ménage à faire pour enlever les poussières,
l’heure des braves et l’heure des jugements,
et que l’heure s’approche
Résolue.
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ALEXO XENIDIS
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Oeuvre Tammam Azzam , artiste syrien