ARTHUR HAULOT...Extrait
Tu ne sais pas
cela fait mal au sang
qui brûle le visage
cela fait mal au cœur
qui tourne sur lui-même
cela fait mal aux yeux
cela fait mal à l'âme
Tu ne sais pas combien
c'est dur et douloureux
d'avoir treize ans et de s'aimer
et d'être odieux.
Alors tu pars
tu fais des rêves
tu te construis un fort au bord de l'océan
tu guettes les bateaux
qui vont passer au large
lancés à l'abordage de féroces pirates
et tu emmènes pour toi seul
la grande dame
ou la servante
ou la princesse noire
aux seins si beaux
que tu n'oses rien dire.
Tu te baises la main
pour pouvoir donner chair au rêve
que tu fais
et tu repars d'un nouveau bond
vers ton destin.
Tu ne rentreras pas à l'heure
où la lumière est trop vivante
au fond des grandes glaces.
Tu attendras
qu'avec tes longs cheveux brassés par les tempêtes
tu retrouves dans le miroir une tête d'Indien.
Avance en jetant
des graines de silence
qui étouffent tes pas
Personne ne saura que tu viens de rentrer
et tu ne seras pas très sûr non plus de l'être.
Viendront les soirs les soirs
dans les grands champs coupés
par une route les soirs
où tu as peur
et ne peux l'avouer
les soirs où tu as peur
de la mort et de Dieu
où tu cries d'effroi
plus que pour effrayer
où tu cours pour ne plus voir
pointer les cyprès les soirs
où ton cœur vit
d'une autre vie que toi
comme un bête folle que tu ne connais pas.
Tu ne voudras pas dire
tu ne pourras pas dire Maman !
Tu auras bien trop mal à ta gorge serrée.
Si tu pleures
dis que tu t'es brûlé la langue avec la soupe.
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ARTHUR HAULOT
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