Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
EMMILA GITANA
Visiteurs
Depuis la création 1 619 398
Newsletter
Archives
5 août 2018

PETITE ANTHOLOGIE PRIVEE D'AUTOCYLUS


Je vote pour la démocratie subtile des fleurs ayant ton violet
Ou pourpre et, parmi les familles éligibles, deux ont ma préférence. 
Qui sont la pivoine, le lupin, que leur humilité nordique protège.
A la première j’attache l'apprêt d'un seau en fer blanc mal émaillé, 
Quelque part sur un marché de plein vent, la rive d'une rivière 
Se ramifiant au pied d'une cathédrale gothique comme l'artichaut. 
Dans la poussière de brume d’un contre-jour vaporisant en bleu 
Sa bouillie bordelaise sur le légume essentiel, la pivoine s'efface, 
L’anonymat buissonne écran de feuilles autour de sa timidité, 
Tout à l'heure on l'aimera pour son évocation de la sainte pluie. 
C'est une fleur catholique, c'est à dire moins hautaine que la rose, 
Jamais quintessentiellement rouge, qui arrondit la tête les joues, 
Contenant une plénitude de rires qu'elle ne laisse pas éclater.
On n'attend pas de la rose qu'elle soit drôle. De la pivoine, si.
Je l'achèterai contre billet bleu pastel montrant Quentin Latour. 
Pour éponger ses tiges, l'encre d'imprimerie d'un quotidien local 
Prêtera ses références patriotiques étroites jusqu'à la dérision. 
Elle, aisément les dépassant, affirmera le sang qui afflue à la vie, 
Qui monte aux pommettes ou coule aux cuisses des femmes,
Avec droiture simple et plus de discrétion qu'il n'est dit ici.
Proche par choix, cueilli au même marché avec un second Latour 
Non moins monétairement faible mais plus juste encore de pastel, 
Le lupin lui fera escorte. Quasiment obscène par sa raideur, 
Quoique l'argile ou les tempêtes de Mai lui donnent de l'inflexion, 
C'est nervure trop sûre d’elle-même que ses fleurs humanisent 
Ou plutôt, vous me comprendrez, qu'elles anthologisent en fleur. 
On cueille le ciel avec le lupin, les autres proviennent de la terre,
Dont ils ou elles tirent leur couleur, lui va aux sources de la pluie. 
Il y a bu, il y boit, il y boira jusqu'à ce qu'il ait absorbé son eau. 
Son violet invisible qui se transforme en rose léger au couchant. 
L'aquarelle est l'art du lupin mais aucun jeu avec le blanc Canson 
Ne rendra l'émouvante densité poivrée de ses grappes et hampes. 
Ailleurs, là où la circularité de la communauté humaine se distend, 
Faisant hypocritement place à la société des plantes industrielles, 
Commence le massacre. Les fleurs, alors, deviennent un prétexte, 
L'océan des huiles qu'on voit moutonner dans une plaine de colza 
Tiendrait dans quelques saladiers. Rétraction, le quantitatif. 
La fleur nous aide à affiner nos gestes aussi bien qu'à les élargir. 
L'amplitude qui ramène par apparence d'égoïsme le parfum à soi. 
Prélude à l'intimité du don. La fleur est distance juste du vivre.

 

.

 

 

JACQUES DARRAS

 

.

.

.

pivoine et lupin

 

Commentaires
EMMILA GITANA
Pages
Tags
Derniers commentaires