Au cours d’une de mes visites, le poète me conduisit en voiture à ce qu’il restait de Saffouriyya, devenue Tzippori (dérivé du mot hébreu et de l’arabe dialectal, signifiant « oiseau »). A cinq kilomètres à peine au nord-ouest de Nazareth, sur une éminence boisée, entourés de vastes étendues de champs cultivés, les vestiges du village, qui s’était jadis enorgueilli de quatre mille habitants musulmans, étaient à peine visibles sous des haies de cactus et des terrasses de pierre évantrées. Tzippori est aujourd’hui un moshav – une communauté agricole juive – propère. Par la fenêtre de la voiture, Muhammad Ali indiqua en passant deux grosses pierres brisées, non loin de buissons de ronces, à l’orée du chemin d’accès d’un ranch banlieusard blanchi à la chaux : « Nous habitions ici », dit-il avant de continuer
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TAHA MUHAMMAD ALI
Une migration sans fin, édition bilingue,
poèmes traduits de l’arabe (Palestine) par Antoine Jockey, éd. Galaade
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Taha Muhammad Ali est né en 1931 dans le village de Saffouriyyaen Galilée. A l’âge de dix-sept ans, il fut forcé d’émigrer, avec toute sa famille, au Liban, après que l’armée israélienne eut assailli son village lors de la guerre de 1948. Un an plus tard, il repassa la frontière : constatant la destruction complète de son village, il finit par s’installer à Nazareth, qu’il n’a pas quitté jusqu’à ce qu’il s’éteigne le 2 octobre 2011.
Taha Muhammad Ali est sans doute le plus improbable et le plus singulier des poètes palestiniens. Autodidacte et conteur, la poésie lui est venue lentement. Libre de toute convention, il s’est forgé une langue extrêmement personnelle, où se mêlent arabe classique et arabe dialectal. Si Saffouriyya, le village de son enfance, est le lieu de l’innocence d’avant la Chute et incarne la période d’avant la grande catastrophe, al-nakba, provoquée par la guerre israélienne de 1948, la dépossession, l’exil et l’acculturation s’inscrivent chez Taha Muhammad Ali dans l’expérience quotidienne, dans l’histoire, dans la terre et la langue de la Galilée, tempérés par le travail de la mémoire et de l’imaginaire.
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Nakba 1948