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EMMILA GITANA
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28 août 2018

LES PLUMES D'EROS...Incipit

Désormais, l’état lumineux a changé d’orientation : il est à présent isolé et n’ouvre que sur lui-même. Si j’essaie d’en préciser la nature, je n’aperçois que sa ressemblance avec l’espace qu’autour de moi ouvre le regard. Non, ce dernier est substantiellement le même que l’état ancien mais il n’est pas environné du même lieu. L’ancien est dans mon corps : c’est une poche lumineuse qui se dilate, qui envahit tout mon volume intérieur, et qui l’illumine en abolissant toute frontière entre dehors et dedans. Le bonheur est dans cette abolition-là…

Il en va pourtant de même avec le nouveau quand le regard déchaîne un torrent spatial qui emporte ma face et mon dos pour m’unir, non pas à une Figure en soi restrictive, mais à l’énergie spatiale à jamais courante. Et tout s’accélère dans une perdition de l’identité… Perdition devenue l’essence du plaisir de voir puis du plaisir d’écrire, qui eux aussi déclenchent (parfois) l’unité des espaces intérieur et extérieur en me plongeant dans l’oubli de tout ce dont m’écarte leur activité.

Le projet, que dicte une nécessité inqualifiable, est d’aller sans illusion vers un éclat dont on ne saura jamais s’il permet d’entrevoir une révélation ou la destruction. Les deux, probablement : elles sont inséparables. La seule certitude, c’est qu’il n’y a pas de « visitation » verticale car tout va du bas vers le haut : le sacré ne descend pas, il monte. Et durant cette montée, l’élan abolit parfois la différence entre l’intime et l’impersonnel. À cet instant, l’extrême n’a plus de sens : à quoi bon le sens quand l’espace est infini !

L’état de grâce lié à la pratique religieuse n’eut pour effet que la rupture avec le contexte qui l’avait préparé tandis que la grâce liée au regard peut, une fois connue, se convoquer à volonté. L’observation du lieu du regard, de son volume et de son élément, m’occupe depuis je ne sais depuis quand faute de repères, m’occupe en tout cas depuis que j’écris. Ce qui était latent fut tout à coup dévoilé par une révélation aussi violente que la première. Je travaillais sur l’œuvre de Matisse. J’ai lu de lui cette phrase : « Quand je peins, je vois dans mon dos ! » Je contemplais en même temps la toile intitulée L’Atelier. Aussitôt, mon dos disparut, volatilisé : le flot élémentaire de l’espace l’avait emporté. L’extérieur déferlait dans l’intérieur et rétablissait leur unité…

Il n’a pas osé se répéter une fois de plus que, parallèlement à l’espèce, la langue est la seule autre transcendance indubitable, et que toutes deux nous pénètrent par le bas au lieu que les sornettes divines empalent verticalement notre cerveau… Reste qu’en se croisant, la langue et l’espèce dégagent à leur point d’intersection des moments de grâce !

 

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BERNARD NOËL

 

 

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Witold Pruszkowski

Oeuvre Witold Pruszkowski

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