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EMMILA GITANA
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7 novembre 2018

HOMMAGE A GERALD BLONCOURT PAR ISABELLE BLONCOURT ( REPITON )

 

5 novembre 2018

Hommage à Gérald Bloncourt par Isabelle Bloncourt (Repiton)

Prononcé dans la salle de la Coupole du crématorium du Père Lachaise, Paris 20e

.

" Honneur Respect "

Gérald aurait commencé ainsi, en vieil haïtien qu’il était, lui a

qui on demandait si souvent ces dernières années de

prononcer des hommages funèbres.

« Je suis Haïtien, Natif Natal », comme il disait avec sa façon

bien à lui de faire sonner les A. Pas Franco-Haïtien, comme

on l’a qualifié ces jours derniers dans la presse. Sans renier

la France qui l’avait accueillie, il se disait « Européanisé par

Force Majeur », un palmier déraciné dans les Neiges.

Honneur Respect

Votre présence ici, nombreux, divers, de tous âges, venus de

partout, témoigne de ce que fut Gérald toute sa vie : un

rassembleur. « Tout Moun c Moun » disait-il en créole,

chaque homme est un Humain.

Où qu’il soit, dans la rue, à une terrasse de café, dans un

meeting, il adressait le même regard et entamait la

conversation avec la même générosité avec un enfant, un

chien, un SDF, ou une personnalité.

 

De là pouvaient naître des amitiés à la vie à la mort, comme

avet de leurs petits frères et sœurs, qui n’ont jamais oublié la

voix chaude, les récits de ce grand bonhomme à casquette,

quand ils étaient de tout jeunes enfants.

Gérald savait laisser le sentiment à Chacun d’avoir vécu avec

lui un moment unique, une histoire, une aventure.

Pour Les Portugais qu’il a photographiés dans les années 60,

il est LEUR photographe, celui qui a su raconter leur histoire,

celle de leur immigration, qui leur a donné une mémoire. Ils

en ont fait un des leurs, et la présence aujourd’hui de

représentants de l’Ambassade du Portugal en France, du

Consulat Général du Portugal à Paris, et des Communautés

portugaises témoigne de cette adoption.

Des hommages lui sont rendus aujourd’hui même au

Portugal.ec Saïda, la petite vendeuse de friands chauds à la viande

qu’il achetait sur le faubourg Saint Antoine, pour qui il est

devenu un second père, et qui 30 ans plus tard, était là à son

dernier souffle.

J’ai reçu ces derniers jours tant de messages qui me disaient

que Gérald a laissé, chez chacun d’entre vous, sa marque.

Des messages de ces vieux camarades mais aussi de jeunes

gens qu’il a connu enfants, des amis de notre fille Morgane,

 

Mais pour les Haïtiens aussi, Bloncourt est LEUR combattant,

leur infatigable lutteur. Haïti aussi a envoyé ses représentants

pour cet hommage et on lui rend hommage là bas.

Pour les « gars de chez Renault » comme il disait, il est le

photographe de Billancourt.

Et pour les amis de son café, Le Rallye, au coin de sa rue, il

est un pilier de leur quartier.

Gérald savait donner à chacun, à chaque groupe le sentiment

qu’il était avec lui, indéfectiblement attaché à leur cause.

Et pourtant. Il est resté toujours fondamentalement un

homme LIBRE n’obéissant à personne et ne se laissant

attacher par personne.

Un homme capable, pour un regard, pour un sourire, de

bondir hors d’une rame de métro, de poser sa main sur mon

épaule, de décider, en une seconde, que je serai la femme de

sa vie, et de me garder pendant 30 ans.

Depuis qu’il est parti, chacun me témoigne des traces qu’il lui

a laissées. Un ami m’envoie un message, « Gérald est à la

maison, » avec une photo d’un de ses tableaux. Un Haïtien

de New York chez qui il a séjourné en 2000 me rappelle

qu’entre deux meetings avec la communauté haïtienne, il lui

avait recollé les carreaux de la salle de bains dans sa maison

du Queens. Et je sais plusieurs d’entre vous, chez qui il est

venu un jour avec sa perceuse, ses visses, ses outils, monter

un placard, poser une étagère. « Je suis tous les corps de

métier, menuisier, maçon, plombier, électricien », disait il en

faisant visiter notre maison de La Babinière, aussi fier de ses

meubles et de son plafond que de ses tableaux.

J’avais l’habitude de dire que je lui avais délégué les relations

publiques de la famille. C’était lui qui amenait à la maison des

gens toujours nouveaux, intéressants, attachants, ou plutôt

c’est à lui que les gens venaient, lui qui les séduisait avec

ses récits, sa verve, sa belle voix, son enthousiasme à les

embarquer dans ses projets, ou à les encourager dans les

leurs, comme il l’a fait avec tant de jeunes artistes, de jeunes

photographes...

Gérald et moi on se disait souvent en se serrant la main

« A nous deux on est fort ! », parce qu’on venait de réussir

ensemble quelque chose de minuscule ou d’énorme : monter

un meuble, offrir un bon repas et une soirée joyeuse à des

amis, faire une exposition, un voyage...

Quand ces derniers mois, je savais qu’il allait me quitter, je lui

disais : « tu ne peux pas me laisser seule. Toute seule je

n’aurais pas la force ». Et il me répondait invariablement : « je

ne te laisse pas seule. J’ai planté autour de toi des tas d’amis

fidèles, et ils seront à tes côtés »

 Et c’est vrai que vous êtes là, vous avez été là ces jours

derniers, et je sais que vous le serez encore, par fidélité à sa

mémoire.

Je veux remercier tout particulièrement celles qui ont pris soin

de lui dans les deniers mois, qui lui ont permis de partir sans

trop souffrir, entouré d’affection : Clarisse son médecin,

Allison et Anne, ses infirmières, Saïda, Bidia, Céjeanne,

Géraldine, et bien sûr Ludmilla et Morgane, ses filles et aussi

Daniel, son gendre dont il était si fier, « un grand chercheur »

disait-il, et à qui il était rassuré de confier sa fille.

Il est parti sans regret. Il avait revu son Haïti natale en 2016

dans un voyage inoubliable où il avait été fêté, honoré. Il avait

fait la paix avec sa fille Sandra retrouvée ces dernières

années.

Dans les derniers jours, il a donné à ses filles ce conseil :

« Essayez de voir encore un peu si on peut changer le

monde, en faire un monde solidaire et fraternel. A vous les

jeunes de reprendre en main votre destin, de reprendre les

idées de la solidarité française... ».

Puis il s’était interrompu : « Je reprendrai plus tard, quand il y

aura plus de monde ... ! »

Voilà aujourd’hui il y a plus de monde...

Plus tard il leur a dit :

« Aimez vous toujours, Ne vous fâchez jamais.

Pensez à moi de temps en temps.

Et n’oubliez pas ma petite Haïti chérie. C’est toute ma vie »

Ludmilla, Morgane et moi, depuis lundi, nous avons regardé

toutes les vidéos où il apparaît, nous nous sommes bercées

de sa voix, il était toujours là avec nous.

Et pour tenter de survivre à son absence, je me répète ce

poème d’exil, celui qu’il a écrit après qu’on l’ait arraché à son

île, et où il nous dit que, de cet arrachement, il est né.

Renaître pour une nouvelle vie à chaque coup dur, c’était Gérald.

.

 

L'Exil...février 46 (extrait)

.

Ce matin là il n'y avait que le vide des voix-fantômes

par les rues de la ville qu'on fusillait en moi

Il n'y avait que l'écho des bruits que l'ombre des uniformes

que la veille et les avant-veilles de ce matin de Février

 que le passé que des lambeaux de souvenirs

Mon cœur meurtri déchirait en cadence des sentiments brûlés

Le monstre prit son essor .....

L'horizon bascula quand l'avion prit son cap...

Le ciel était immense

Je suis venu au monde

J'avais pourtant vingt ans...

(L'exil... Février 1946)

Et je voudrais vous dire encore un extrait d’Isabelle de Paris,

qu’il m’a écrit en 1989.

 

.

 

Isabelle de Paris (Extrait)

.

« Le voilà, le jour, le lieu, où je coupe la gorge au temps....

Isabelle a paru sur un quai de métro.

Elle a mis dans le mille, et ses hanches ont annulé le vide...

Il a suivi la piste en tremblant de lumière.

 

J'ai repris le chemin, le dur chemin de voir et d'exister.

Le dur chemin de dire et de montrer. .....

J'ai repris la route du faire-parler,

du faire-sentir et même du faire-pleurer.

Pour toi, rien que pour toi,

j'irai »

 

.

 

Alors oui Gérald

Pour toi,

sans toi

mais avec toi au cœur pour toujours,

je vais m’efforcer, accompagnée de tous ceux que tu as

laissés autour de moi,

de continuer à ALLER sur le chemin de la vie.

 

.

 

 

ISABELLE BLONCOURT - REPITON

 https://www.facebook.com/irepiton/videos/10215270828995437/?t=4

 

.

 

gerald 2

 Gérald Bloncourt 2016

https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/041118/gerald-bloncourt-le-photographe-de-mon-enfance?utm_source=facebook&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-66&fbclid=IwAR1EXgyBQtwmeBMOgqrzd0uXCyEWtVV0PlGAhext1Bc_gFkXpXql70wzNVA

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