TRISTAN CABRAL...HOMMAGE
les nuits d’été ferment si mal
qu’il suffirait que l’on se taise
pour que nos mains soudain
se remplissent d’étoiles...
Tristan Cabral
.
À Tristan,
C'était un homme tendresse, une blessure, une déchirure,
le fils de l'absolu respect de la vie et d'une mémoire meurtrie.
C'était cet enfant blessé au point zéro de sa jeunesse,
écrasé par la folle croyance en ce possible-impossible
qui avait écorné ses hiers
et plus loin que la vie broyait les devenirs.
C'était un homme frère de tous les hommes
qui mesurait la distance entre la bête identitaire et l'homme Un.
Comme un oiseau dans le miroir,
il se heurtait aux fossoyeurs de l'espoir.
Il était l'homme frère des hommes,
le cri de l'impuissance
perdu dans un monde d'in-amour.
Il était Tristan,
l'homme qui regardait l'enfant derrière les barbelés,
l'homme qui portait en lui toutes les blessures du siècle.
Sans apartheid, il était Barcelone, Auschwitz, Srebrenica,
il était un des suicidés d'Argelès-sur-Mer,
Il était un désespoir d'homme sur le chemin.
cette petite route où se cherche l'enfance,
il était l’enfant de cendres.
Il est la présence qui me parle, il est mon ami.
.
JEAN-MICHEL SANANES
.
...
les jours tombèrent
et les yeux traversés de tant d'éclats de mer
j'ai dressé vers le ciel mes mains ensanglantées
et puis j'ai mis le feu à toutes les fontaines
j'ai jeté des étoiles à la tête des fleuves
j'ai recouvert de neige le cœur des primevères
j'ai volé leurs couleurs à toutes les saisons
et j'ai roulé la pierre que retenaient les anges
mais qui m'a entendu nager dans les eaux fortes
qui pourrait retrouver mes ongles sur la pierre
qui hante comme moi la blessure capitale ?
j'ai faim
j'ai faim de choses étrangères
j'ai faim de hurlements plantés comme des clous
j'ai faim de la fraîcheur insensée des miroirs
faim d'un nouveau partage
de mille mains avides pleines d'objets brisés
faim de parures inertes et de noms oubliés
mes mains ont forme de ma soif
et j'ai des bras multiples grands comme les révoltes
je peux m'abattre n'importe où
à n'importe quelle heure
et mon corps imminent s'envenime de sel
je roule par le travers des bouées
à portée de fusil des derniers poissons libres
mais qui pourrait m'entendre sur ces pavés crispés
où des fous se répondent
je trace des hurlevents au fond de mon naufrage
je m'accroupis en sang sur les vagues ouvertes
j'ai enterré mes mains loin des terres habitées
mais ces yeux attardés qui coulent dans mes yeux
qui les fera s'ouvrir
qui m'accompagnera sur la nef des fous ?
.
TRISTAN CABRAL
" Le passeur de silence ", extrait
https://fr.wikipedia.org/wiki/Tristan_Cabral
.
ne le dites à personne
je ne veux pas de leurs mains jaunes
et de leur voiture noire
vous me mettrez debout
les bras sur vos épaules
et vous me conduirez tout au bord de la mer
où le sable est si fin
et j'attendrai la marée haute
si vous ne pouvez pas
montez-moi en Cévennes
et puis couchez-moi seul
au milieu des genêts
la tête dans le ciel
Si je meurs seul
s'il n'y a personne pour me conduire en mer
ou me coucher dans les genêts
s'il faut que j'aille au cimetière
je voudrai que ce soit dans celui d'Arcachon
sur une dune ensoleillée
près de la ville d'hiver
je voudrai qu'on m'habille avec ce velours noir
que je garde en lieu sûr
d'une chemise blanche avec un foulard rouge
qu'on mette dans ma poche une pipe d'Irlande
avec du tabac blond
le Rimbaud bleu de poche 491
sans oublier un sac marin
et une paire de rames
j'attends la vague immense qui m'ouvrira les yeux
TRISTAN CABRAL
.
Tristan Cabral