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EMMILA GITANA
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7 février 2021

PALAIS DE GLACE...Extrait

 

Il en est des miroirs comme de la mémoire, ils sont déformants, c’est une autre réalité mais elle reste virtuelle, si l’on pouvait se voir avec les yeux des autres, la vision serait toute autre.

Nous reste toujours l’image mentale que nous avons de nous plus jeune et en adéquation avec le souvenir de notre force, de notre poitrine volontaire, ce héros secret qui nous hante et nous permet de vieillir sans nous en rendre compte jusqu’à la rencontre de notre reflet que nous ne reconnaissons pas tout de suite, qui nous déçoit et que nous oublions aussitôt que nous le quittons.

Nous affrontons les jours qui jamais ne se ressemblent quoi qu’on en dise, toujours surpris de l’incroyable qui survient et bien que non préparés nous affrontons l’inattendu avec une soumission qui nous étonne, nous trouble, nous transforme irrémédiablement.

Le retour en arrière n’existe pas, rien ne nous prépare à avancer sans vaciller, et pourtant nous y arrivons sans coup férir et bien que nous ayons connaissance de la mort nous l’ignorons sans nous y préparer comme si nous étions immortels et concoctons des projets bien au-delà de nos espérances de vie. Toujours projetés sur le futur oubliant de vivre le présent et gardant le passé comme bagage de sécurité que nous n’ouvrons que rarement lors de défaillances de notre système d’instinct de conservation.

Les rêves aussi sont des miroirs déformants, quand je songe que je vole, je suis assis dans l’espace et j’ai 17 ans, je me meus par impulsions corporelles et ça file grand train, si je me vois amoureux je dois avoir dans les 25 ans, l’autre est presque toujours flou et s’il ne l’est pas alors je suis un autre. Sinon je me trouve dans des mondes parallèles très semblable au nôtre où je rencontre de gens dont je me souviens très bien du visage et du nom, souvent c’est dans un train et cela semble si réel que ça s’enregistre dans mes souvenirs comme la réalité au point de chercher à les rencontrer dans la vraie vie. Je ne peux me fier à ma mémoire, il m’est arrivé de me rappeler d’une voiture rouge qui en fait était verte et donc je ne pourrais jamais témoigner sur la foi du serment avec ce daltonisme de la mémoire que me ferait jurer mordicus un mensonge de l’esprit.

Les arbres aussi nus renvoient notre image, celle de grandeur et de déploiement, une sorte d’hologramme de notre âme ancrée dans la terre-mère les bras aux cieux spacieux, cette énergie que rien d’autre ne nous procure avec cette puissance et qui en même temps n’a ni poids ni consistance mais qui nous envahit tout entier et nous donne des ailes. Cette force spirituelle qui échappe à tous les poncifs, tous les cultes, tous les dogmes, qui nous donne cette sensation de pure liberté et où l’on ressemble le plus à notre conscience, celle que dès la première enfance nous savions entendre.

Les flaques, les flaches, nous renvoient des cieux en creux sur terre, l’image vibrante de nos jambes en raccourcis grossissants, et loin plus bas notre tête profondément noyée dans les concentriques ondes nous regarde comme du fond d’un liquide tombe. Parfois un nuage aquatique passe lentement donnant conscience de ce temps suspendu pour notre regard un instant inquisiteur. Quelques feuilles mortes y jouent les bateaux ivres louvoyant à la dérive passant entre nos pieds invisibles puis la marche continue, notre corps se meut, l’image mentale de nous-mêmes déformée un bref moment par les ondes sales des ornières.

Enfin il arrive que ce soit dans les yeux de quelqu’un d’autre que l’on se voie avec douceur et amitié où l’on est beau à nouveau et où l’on accepte les ravages du temps. On est surpris de pouvoir encore inspirer de tels émois malgré l’âge, on se réconcilie avec soi-même et le destin dans ce genre de miroir comme devant l’infini.

 

 

 

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JEAN-CLAUDE CROMMELINCK

alias CEEJAY

http://www.francopolis.net/Vie-Poete/CeeJay-JanFev2021.html

 

 

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reflet brisé

 

 

 

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