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EMMILA GITANA
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27 juin 2021

LE SOUFFLE ET LA SEVE ...Extrait

Je suis dans un épanchement à la jointure du passé. Des bouffées de sève reprennent place dans l’égorgement de mes pensées où, excisées, elles s’épuisent sous la lame affûtée de l’écrasement.
Je ne me retournerai plus, c'est inutile et ça fait mal. Alors, j'oublie, doucement. Je taris les souvenirs trop encombrants comme on pipe de vulgaires fumées oisives. Et je bois aux flaques de l’averse printanière qui a laissé son empreinte sur le sol ému par sa nourrice providentielle.
J’efface toutes déceptions au profit de la grâce du jour. C'est douloureux mais l’effroi de mes renoncements n’a rien à envier aux mouvements qui peu à peu mènent l'esprit vers son propre impensé.
Le printemps revient toujours,
chassant l'hiver et balayant l’automne.
Alors je partirai.
Je m’en retournerai dans mon terrier,
dans mon lit enchevêtré de mille sommeils.
J’y gagnerai ma liberté comme l’on gagne sa vie à ne savoir qu’en faire et j’irai me promener dans le désert comme une puce sur le dos d’un chameau.
J'ai appris la douleur en apprenant à respirer. Très tôt, j’ai su que l’abandon et la résignation pouvaient être fatals. J’ai dû frotter la patience sur le long fusil de la réalité avant de pouvoir ressusciter dans la cartouche de trop.
Grave et ribaude,
la vie accompagne le délabrement des mots tendres.
Le temps est de la terre,
il la remplit d’air comme un ballon que l’on gonfle.
Partout, le leurre est persistant. Dessinant des ombres plus lentes sur les bas-côtés, il clame la rouille sous la main rêveuse.
Je ne sais pas écrire joli ni beau, c'est une défaite. Ou pas. J'ai peur de lâcher prise, je sens le vide qui rôde. Nul doute, l’effondrement viendra. Il faudra fuir les lettres stigmatisées qui fanent sur la pointe du crayon.
Il faut échapper à l’écriture qui n’est qu’un précipice.
L’écriture est comme moi,
elle marche vers l’effacement.
Elle se momifie puis cède à la poussière.
Je touche la vie et ressens la mort.
Je touche à la sève maternelle et me replie sous la trame chaude de ma peau. J’aimerais bien pour une fois percevoir le senti de l’extérieur de ma chair. Mais la contrainte de l’arrachement ne parvient pas à me soumettre au premier chiffre du jour.
Dans mon atelier d’écriture,
l’expression se maintient
à l’extérieur du monde qui m’infiltre.
Mon corps se réduit au toucher des mots,
à l’aspect tactile de la pensée.
Ma main et ma langue
puisent aux signes récurrents.
Tous les codes s’entremêlent et s’interfèrent.
Dans ce délabrement, il ne s’agit plus de faire le vide mais de l’être. Le mouvement de l’histoire est fugitif. Il braconne aux douces noces qui exauçaient nos rêves les plus intimes.
La fiction omniprésente chute dans l’illisibilité et dans une mutité forcée. Le mot n’est alors qu’un résidu défait de sa trace originelle, étouffé de son sens premier. La parole avale le bruit des gares traversées, absorbe la substance ferreuse et choit comme une popeline de soie.
Notre corps transite par la matière puis nos peaux se lavent à la fenêtre du ciel et de la mer. Seuls, nos os conservent le secret de la poudre. La poussière s’empale aux muscles de la lumière. L’air nous agite et nos frissons tombent comme des feuilles séchées. La marche du monde s’aguerrie des marches funèbres.
Je voltige à des altitudes où il n’y a plus d’air. L’apesanteur est une fausse sensation. Ce qui est lourd demeure un corset de plomb.
Les yeux, les mains et la bouche restent des enclumes et je ne sais pas dire le poids qui me plaque au sol.
Je respire les scories embourbées sous la passion et mon cœur invente d’autres allégories plus légères.
Mais rien ne se dissipe vraiment. La présence en ce monde demeure une buée que rien ne fait disparaître.
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BRUNO ODILE
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MALOU2

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