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EMMILA GITANA
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7 juillet 2021

« LA NAISSANCE DU JOUR », EN FORME D’ÉPILOGUE

“Tel est le titre du livre que Colette écrit à cinquante ans alors que, désormais, prétend-elle, « il va falloir vivre – ou même mourir – sans que ma vie ou ma mort dépendent d’un amour ». L’ouvrage débute par une lettre que l’auteure attribue à sa mère, Sido, une déjà bien vieille dame. Sido a été invitée par Henry de Jouvenel, le second époux de Colette, à passer quelques jours chez eux, ce qu’elle refuse en ces termes « Monsieur, vous me demandez de venir passer une huitaine de jours chez vous, c’est-à-dire auprès de ma fille que j’adore (…). Pourtant, je n’accepterai pas votre aimable invitation, du moins pas maintenant. Voici pourquoi : mon cactus rose va probablement fleurir. C’est une plante très rare, que l’on m’a donnée, et qui, m’a-t-on dit, ne fleurit sous nos climats que tous les quatre ans. Or, je suis déjà une très vieille femme, et, si je m’absentais pendant que mon cactus rose va fleurir, je suis certaine de ne pas le voir refleurir une autre fois… »

Colette laisse éclater sa fierté d’être « la fille d’une telle femme qui penchait, tremblante, toutes ses rides éblouies entre les sabres d’un cactus sur la promesse d’une fleur, une telle femme qui ne cessa elle-même d’éclore infatigablement, pendant trois quarts de siècle. »

La lettre de refus de Sido est en fait imaginaire, le document authentique est tout autre et fort banal : Sido a accepté l’invitation et dit sa joie de voir sa fille. C’est par conséquent Colette elle-même qui choisit ce subterfuge pour proclamer la valeur de la vie même après que la jeunesse s’est fanée et que ne persiste plus guère des amours que leur image et leur souvenir. Pourtant, ce deuil d’un temps révolu n’est pas pour l’écrivaine l’annonce du crépuscule, la marque d’un déclin inéluctable. Les éclosions à venir demeurent inouïes, celles des cactus roses et autres fleurs, des matins cristallins, des couchers de soleil qui flamboient, les éclosions de soi, de ses perceptions et sensations, de ses émotions, de ses talents, même. Chacun peut imaginer combien l’affirmation de Colette me touche, moi le septuagénaire amoureux fou de la beauté, celle des ancolies et des lys martagons, des élégantes nigelles mais aussi des si banales scabieuses, des sucs, des cimes et des vallons, de l’eau bouillonnante qui cascade de roc en roc au flan de la montagne. Amoureux de l’amour. Comme la Sido fantasmée par sa fille, il m’apparait que connaître cela justifie encore tout de la vie et l’emporte en urgence sur toute autre considération. La beauté n’est pas le bien, elle ne l’a jamais été. Pourtant, l’émotion qu’elle provoque, et qui rend beau ce que l’on éprouve tel, est de même nature que celle qu’engendre en mon âme l’aspiration au bien. La beauté existe, la question du bien ne sera jamais résolue, elle vaut la peine de continuer à se la poser, il me reste à vivre. Même un jour.

 

 

 

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AXEL KAHN

lundi 25 octobre 2020

Extrait de l'ouvrage " Et le bien dans tout ça ? "

Editions Stock

 

 

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AXEL KHAN2

Axel Kahn - 1944-2021

 

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