SOLASTALGIA
" Habiter la vie ordinaire n’était pas encore faire l’expérience d’un sol qui de partout se dérobe du fait d'une dévastation de plus en plus patente de la Terre. "
Jean- Claude PINSON
Pastoral / De la poésie comme Ecologie - 2020 -
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Loin des souvenirs
hors tout ressentiment
au plus près des simples choses
des antiques métamorphoses
sur la margelle d'un puits
à l'orée de la Nuit Obscure
Que je dise une dernière foi
Je
... perds lentement
ma relation vitale aux ciels
à la Mer
à L'océan
à l'immanence à l'essence
Je pressens le chaos la faim
la sécheresse
malgré l'immensité azurée
J'ai le mal de terre
mal aux mondes
que l'on voit chaque jour
passés par les armes anthro - piques
du déréglement
du bouleversement climatique
je souffre de solastalgie aigue
sans illusion aucune
et l'espoir m'est un vain mot
dépossédé de sens
de profondeur de champ
de vision
Je sais chaque lendemain grevé
de lourdes peines
tant d'horizons enténébrés
l'aube sitôt grimée
plaquant au sol la soif
la liberté de vivre les Grands Espaces
la pureté où dignement
solennellement se ressourcer
Les vagues tonnent
en roulant l'or noir des empires
des magnats
tel le bourdon des mornes plaines
des terrils des corons
du Plat Pays
chers au grand frère
Jacques
qui nous manque tant
Du soleil Levant
de l'Empire du Milieu
montent la plainte
l'agonie le râle de la torture
des gens des êtres non-humains
rituellement génocidés
odieusement massacrés
Au couchant le funeste écho des armes
nous rappelle aux heures sombres de la conquête
Le Septentrion
sonne le glas des saisons des banquises
Le Pôle Sud se brise en morceaux
Le troisième Pôle
les hauts massifs n'assument plus leurs glaciers
Les grands fleuves tarissent
comme source d'estive déviée
Les îles regardent en face le sort des naufragés
les coraux blanchissent en mourant
les forêts primaires brûlent
les arbres sont abattus
Je suis je participe de ce convoi du vivant
sacrifié sur l'autel des vanités
Elément d'un Tout aujourd'hui fissuré
J'accuse la peine immense d'en ressentir les semonces
les souffrances infinies
de la tristesse
Que je ne me rende jamais au diktat
aux rouages de la servitude de la soumission
Il ne me reste que les mots pour lutter contre les maux
dévisager le traitre au vaste pacte d'alliance
ourdissant le complot profitable
l'artéfact capitalisable
fleurissant les marinas les palais
Les dieux ripaillent à la table des rois
fêtent les lendemains de l'innommable Traite
Ce matin comme tous les matins
le réveil survient sans le chant des oiseaux
L'oliveraie survit sous les touffeurs la canicule
le dôme la virgule de chaleur
Le poison évince l'insecte
Le grillon ne chante plus le soir dans la cheminée
la prose de Ferrat
Ma France les Saisons
s'absentent de ce furieux délire
en s'exilant en enfer
Que de migrations perdues
Suis-je encore de passage
élément cosmique
le triste constat d'une mort programmée
outrageusement finie matérielle éphémère
une hypothèse
un désespérant anachronisme une erreur un renégat
sur Terre
manquant et faillant à la voie de l'Alliance
J'ai pour miroirs
la mer et l'océan
où puiser chaque matin
quelque pan d'éternité
de pureté
de vérité
blanc bleu ciel
comme je viens à eux
J'arrive
L'air saisit
le vent brûle
le soleil mord
la terre craque
les champs crépitent
la ramée s'étiole
L'eau manque
l'ombre s'enfuit
Je vogue et vague
seul
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CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC
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Oeuvre Antoine de Tyssandier
https://www.instagram.com/antoinedetyssandier/?hl=fr