LE CHANT DES RAMEURS
J’ai demandé souvent
Ecoutant la Clameur
D’où venait l’âpre chant
Le doux chant des Rameurs.
Un soir, j’ai demandé aux jacassants corbeaux
Où allait l’âpre chant, le doux chant des Bozos,
Ils m’ont dit que le Vent, messager infidèle
Le déposait tout près dans les rides de l’Eau ;
Mais que l’eau désirant demeurer toujours belle
Efface à chaque instant les replis de sa peau.
J’ai demandé souvent
Ecoutant la Clameur
D’où venait l’âpre chant
Le doux chant des Rameurs.
Un soir, j’ai demandé aux verts Palétuviers
Où allait l’âpre chant des Rudes Piroguiers ;
Ils m’ont dit que le Vent, messager infidèle
Le déposait très loin, au sommet des palmiers ;
Mais que tous les palmiers ont les cheveux rebelles
Et doivent tout le temps peigner leurs beaux cimiers.
J’ai demandé souvent
Ecoutant la Clameur
D’où venait l’âpre chant
Le doux chant des Rameurs.
Un soir, j’ai demandé aux complaisant Roseaux
Où allait l’âpre chant, le doux chant des Bozos,
Ils m’ont dit que le Vent, messager infidèle
Le confiait là-haut, à un petit oiseau ;
Mais que l’Oiseau, fuyant dans un furtif coup d’ailes,
L’oubliait quelquefois dans le ciel indigo.
Et depuis, je comprends
Ecoutant la Clameur
D’où venait l’âpre chant
Le doux chant des Rameurs.
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BIRAGO DIOP
Leurres et lueurs
Editions Présence Africaine,1960
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