COLETTE... Extraits
"C’est ainsi, le front aux vitres, que je cherchais autrefois à surprendre, pendant la nuit de Noël, un jardin endormi sous sa neige bleuâtre, ou sous la pluie, tout blanc de gel sous les étoiles… Je ne bouge pas, de peur de dissoudre, derrière moi, le mirage provincial qui monte de mon passé : un salon fané, où la pendule de marbre blanc marque minuit, entre deux bouquets de houx. Sur la grande table, on a simplement poussé un peu de côté les livres à tranche d’or, le jeu de jacquet et la boîte de dominos, pour faire place au gâteau arrosé de rhum et au vieux frontignan décoloré… et j’entends, comme autrefois, la jeune voix maternelle : – Beauté !… mon soleil rayonnant !… Mon bijou tout en or ! Il est tard, va vite dormir."
COLETTE
" Dans la foule ( 1916) "
"Il vous paraîtra étrange que mes Noëls d'enfant aient été privés du sapin coupé, de ses fruits de sucre, de ses petites flammes. Mais ne m'en plaignez pas trop, notre nuit du vingt-quatre était quand même une nuit de célébration, à notre silencieuse manière. Il était bien rare que Sido n'eût pas trouvé dans la jardin, vivaces, épanouies sous la neige, les fleurs d'ellébore que nous appelons rose de Noël. En bouquet au centre de la table, leurs boutons clos, ovales, violentés par la chaleur du beau feu, s'ouvraient avec une saccade mécanique qui étonnait les chats et que je guettais comme eux. Nous n'avions ni boudin noir, ni boudin blanc, ni dinde aux marrons, mais les marrons seulement, bouillis et rôtis, et le chef-d'oeuvre de Sido, un pudding blanc, clouté des trois espèces de raisins - Smyrne, Malaga, Corinthe - truffé de melon confit, de cédrat en lamelles, d'oranges en petits dés. Quoi, rien de plus ? Non rien. Aucun de nous ne souhaitait davantage, ne se plaignait d'avoir trop peu."
COLETTE
" Paris, de ma fenêtre. "
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