DERNIERES MUTATIONS AVANT L'EVEIL (4)

Nous sommes amenés tout le temps de nos vies à croiser une multitude de cailloux. D’entre eux le plus mystérieux et le plus puissant est le caillou de la perte. Nous perdons nos parents à un temps repris de la vie ; nous perdons nos enfants quand ils s’envolent pour un autre nid. Nous perdons le manuscrit de l’amour, à peine achevé, le voilà qui disparaît vers le néant et le regret.

J’ai perdu un arbre jadis. Il m’accompagnait dans le mutisme de ma vie. Nous étions silencieux, l’un et l’autre. Je n’avais pas besoin de lui dire le contenu de ma mémoire, car il était la seconde partie de moi-même.
Je savais peu de choses de lui et maintenant qu’il a disparu je le regrette.

Sur le chemin, il y a des innocents qui vont et viennent. Ils portent une parole d’innocence et de gratitude. Il faut remercier ses mains, ses bras, son ventre, ses intestins. Il faut remercier sa bouche et le ressac des mots qu’elle contient. Il faut remercier la compréhension des choses qui nous accompagnent tout le long d’une vie. Il faut remercier la traversée de la vie avec ses irrégularités, ses extases, la noirceur du crépuscule et les lumières tardives d’avril.

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© PATRICK CHEMIN
Avril 2025

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