TOUJOURS
Toujours
là où meurent des enfants
les choses les plus ténues deviennent apatrides.
Le manteau de douleur des couchants
dans lequel l’âme sombre du merle
accuse la nuit –
de petits vents soufflent sur les herbes tremblantes
éteignant les décombres de lumière
et semant l’agonie
Toujours
là où meurent des enfants
se consument les visages de feu
de la nuit, solitaire dans son secret –
et qui sait quelque chose de ceux qui montrent le chemin
et que la mort envoie :
senteur de l’arbre de vie,
cri du coq qui écourte le jour,
horloge ensorcelée par les sortilèges
de l’effroi automnal jusqu’au fond des chambres d’enfants –
aux rives de l’obscurité battement des eaux
murmure et passage du sommeil des temps
Toujours
là où meurent des enfants
les miroirs des maisons de poupées
se voilent d’un souffle,
ne voient plus la danse des doigts lilliputiens
vêtus de satin sang-d’enfants ;
danse qui s’immobilise
comme dans une longue-vue
un monde à des distances lunaires.
Toujours
là où meurent des enfants
pierre et étoile
et tant de rêves
deviennent apatrides.
.
NELLY SACHS
Traduction de l’allemand par Mireille Gansel
.
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