QUAND MÊME...
A Anne Dufourmantelle
Quand même.
Si l'on me dit : « héros » je pense à cette femme, sur une plage, qui, voyant deux enfants se noyer au large, a couru à leur secours, les a sauvés et puis est revenue s’effondrer sur le sable, morte d’une crise cardiaque. Héros, héroïne. Au quotidien. Et aux autres, dont on ne sait le nom qu’une minute, fonçant dans l’incendie, dans la voiture accidentée, dans l’horreur. Héros, héroïne. Pendant les guerres, les tourmentes, et sachant les dangers, ceux qui donnent, jusqu’à leur douleur, jusqu’à leur vie. Ceux là sont des héros et des héroïnes.
Quand même.
Et ce n’est pas une affaire de goût, chacun est libre (Presque ? Encore ?) d’aimer qui il veut. Mais les choses, les qualités, les êtres ont un nom, pour les différencier les uns des autres. Sinon, ceci est un tableau, et s’il vous déplaît, prenez donc la fenêtre pour sortir. Ici, ce qui pose problème, c’est l’imposture. On substitue les mots à d’autres mots. Qui, « on » ? La poignée des arbitres du bon goût, ceux qui dictent, depuis leur cuistrerie, comment penser et quoi penser, et qui sont autant dignes de l’appellation de journalistes que mes bottes. Ont-ils lu d’Ormesson ? Non, ils l’ont vu a la télé, nouvel oracle delphique. Johnny a-t-il sauvé la Patrie ou un humain ? Non, il chantait bien, pour certains. Mieux que Ferré, mieux que Bashung, mieux que Didier Barbelivien. Héros du peuple, dont la dépouille ira à Saint Barth, au milieu des siens. Des siens, hein.
Quand même.
On lui raconte n’importe quoi, au peuple. Qui, « on » ? Les grands flatteurs, vivant à nos dépens, qui grattent là où ça chatouille. Et il marche, le peuple, le pauvre, comme un seul homme, qui pleure à gros sanglots, ou, selon le mort dont on parle, s’essuie délicatement la paupière disant La langue française se meurt, Madame, il nous eut fallu des héros pour la sauver. Car, ne vous y trompez pas, les deux foules en larmes avec chacune leur cercueil sont des morceaux de peuple, faciles à berner, par quelques heures de tralala où l’on trimballe les ors de la République sous le nez des passants pétrifiés de ces gloires.
Quand même.
A la mémoire d’Anne Dufourmantelle. Héroïne. Et parlant un très bon français.
Et à quelque chose comme la dignité.
Et au lexique.
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ALEXO XENIDIS
( Ismène Le Berre )
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