DEUIL ET MEMOIRE... LE SILENCE
Quel messie ressuscitera les milliers d'enfants de la Palestine déchiquetée? Qui nous rendra la joie de vivre au milieu des charniers? La guerre c'est l'enfer sur la terre sous un ciel impassible, impassible comme le coeur des êtres humains qui laissent se produire de telles horreurs, et continuent à vaquer à leurs petites affaires coutumières comme si ... comme si il n'y avait rien à faire, comme si les rois et les présidents, leurs ministres et conseillers, les prêtres décidaient entièrement de leur destinée, du bien collectif à partager. L'immense poète afghan assassiné Sayd Bahodine Majrouh (1928-1988), qui savait de quoi il parlait, n'a-t-il pas écrit dans son chef d'œuvre “Ego-Monstre” (ou Le voyageur de minuit) “Celui qui pousse les hommes à aimer la mort ne saurait prendre goût aux nourritures terrestres, aux fruits de la beauté vive. Celui qui invite à l'écoute outre-tombe, lui-même jamais n'ouvrira son cœur à la force qui danse, à la joie qui jaillit, à l'amour qui s'élève en chant.”
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Deuil et mémoire
Le silence souvenez-vous
il suinte comme la peur
sur les visages verts ou gris
la parole s'éteint étouffée
sous les cendres accumulée
Des chambres à gaz à Gaza
l'Histoire s'enlise dans l'oubli
des générations exterminées
et le sang sèche plus vite
dans la mémoire des peuples trop bien nourris
que la rosée d'un matin de printemps
Le silence souvenez-vous
de ces roses innocentes
les barricades sont tombées
les révoltes écrasées
Des prières pour laver les morts
des chansons de charognards
pour exorciser la sainte horreur
des cœurs flétris dans la poussière
des corps jetés dans le feu des bûchers
et des prêtres maudits des politiciens pourris
partout s'entend la bonne parole des lâches
dont des poètes tissent les fils subtils
jusqu'à ce que silence s'impose
dans l'âme des nations qui flotte
comme guenilles sanglantes au vent
les jours de fêtes où sont commémorés
toutes les défaites héroïques de l'humanité
Le silence souvenez-vous
souvenez vous du silence atroce
qui berce la conscience des épouvantails
le cri lugubre du corbeau dit-on
est le chant de la fin avant que la paix
ne s'égaille avec le doux vent du printemps
rose de cendre rose de sang rose de chairs brûlées
rose des deuils jamais assouvis rose d'oubli
belles épopées oniriques dans les livres d'Histoire
et tous ces écoliers qui font l'école buissonnière
s'enchantent d'un moindre chant d'oiseau
d'une fleur sauvage des cerises du mois de mai
si au moins au lieu de les punir d'avoir déserté
ils pouvaient récolter les honneurs dus aux vaincus
Souvenez-vous du silence
des épouvantails de bois et de chiffon
souvenez-vous du bûcher de Gaza
derrière les miroirs sans tain du monde
dans lesquels des monstres se contemplent
des abrutis des assassins lubriques des fous à lier
Le silence souvenez-vous …
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ANDRE CHENET
Buenos Aires, Mai 2025
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Gaza Avril 2025