RENE CHAR
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Je voudrais me glisser dans une forêt où les plantes se refermeraient
et s’étreindraient derrière nous, forêt nombre de fois centenaire, mais
elle reste à semer. C’est un chagrin d’avoir, dans sa courte vie, passé
à côté du feu avec des mains de pêcheur d’éponges. « Deux étincelles,
tes aïeules », raille l’alto du temps, sans compassion.
L’automne !
Le parc compte ses arbres bien distincts. Celui-ci est roux
traditionnellement ; cet autre, fermant le chemin, est une bouillie
d’épines. Le rouge-gorge est arrivé, le gentil luthier des campagnes.
Les gouttes de son chant s’égrainent sur le carreau de la fenêtre. Dans
l’herbe de la pelouse grelottent de magiques assassinats d’insectes.
Ecoute, mais n’entends pas.
Mon éloge tournoie sur les boucles de ton front, comme un épervier à bec droit.
Parfois
j’imagine qu’il serait bon de se noyer à la surface d’un étang où nulle
barque ne s’aventurerait. Ensuite, ressusciter dans le courant d’un
vrai torrent où tes couleurs bouillonneraient.
L’air que je sens toujours prêt à manquer à la plupart des êtres, s’il te traverse, a une profusion et des loisirs étincelants.
Il faut que craque ce qui enserre cette ville où tu te trouves retenue. Vent, vent, vent autour des troncs et sur les chaumes.
J’ai
levé les yeux sur la fenêtre de ta chambre. As-tu tout emporté ? Ce
n’est qu’un flocon qui fond sur ma paupière. Laide saison, où l’on
croit regretter, où l’on projette, alors qu’on s’aveulit. (...)
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RENE CHAR
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