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EMMILA GITANA
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26 avril 2009

L'IDENTITE OBSCURE...Extrait

 

Chant I

 

C'est comme, minuscule à peine, une effervescence
avec les mêmes images, leur même lumière,
le chêne, son tronc obscur, le chat sur la fenêtre,
le silence soudain de l'heure, on ne sait plus trop
pourquoi maintenant, plutôt que demain, qu'hier,
pourquoi ici, mais ici, maintenant, c'est partout,
c'est le monde qu'on n'entend que quand il se retire
comme une vague et qu'il n'en reste que juste un souffle
dont on ignore s'il vient de dedans, de dehors,
on regarde ce qui dans la vue ne cesse de
se retirer, on guette un visage sans visage
qu'on voudrait reconnaître, un espace qui s'entr'ouvre,
on y entre sans y entrer parce qu'on est là,
toujours, dans la clarté grise un peu d'un jour quelconque
à se demander pourquoi comme, ça sans crier gare,
ce mouvement venu sans les mots et avec eux
et comment comprendre le jour qui vient et qui va,
cette solitude au milieu des corps, ce silence
qui s'installe dans les paroles, on ne l'entend pas
on le sent comme de l'air entre deux mots, une sorte
de vertige bref avec, instantané, le clair
d'un vide où l'on se perd, on dit mais où en étais-je
qu'est-ce que je disais, autour rien n'a changé, les bouches
ont des visages vivants, les bruits sont revenus
avec un triangle de soleil contre le mur,
c'est l'après-midi qui s'installe, une cloche sonne,
il est deux heures, des voix parlent, on reste à attendre
sans savoir quoi, comme sur un vide si ténu
qu'il s'évapore avant qu'on y tombe, on ne sait plus
ce qu'on cherchait, on écoute, ce sont d'autres bruits
on les reconnaît, bouteilles, toux, parquet qui grince
mais c'est comme s'ils arrivaients d'ailleurs, de très loin,
si on les entendait sous un bruit léger de source
tenace aussi, une sorte de balbutiement
venu air et eau mêlés de lèvres entr'ouvertes,
qui appelle ou se tait c'est pareil, qu'on sent là
dans la bouche quand on parle ou sous les doigts quand on écrit,
on n'entend rien, on ne voit rien, mais c'est quelque chose
qui pousse ou qui entraîne, c'est un fleuve invisible,
alors on suit, on glisse, on s'en va, on s'éparpille
dans le remuement sans fin où les jours et les nuits
se succèdent, se confondent avec tous les visages
qui n'en sont qu'un, toutes les langues, les paysages,
des mains cherchent des mains, des corps dérivent, tournoient,
on est dans une chambre et c'est un monde, il y a
comme une seule écume de douleur, un soleil
de mouches et de sable, une nuit traversée d'éclairs,
celui qui court ne sait plus s'il a gardé ses jambes,
on est comme si on n'était plus que trop de sang
par terre, trop de poussière, des moteurs, des cris
enfoncés dans les murs, on se perd dans des couloirs,
dans des caves qui n'ont pas de fin, on ne sait plus
comment ni pourquoi on est là, on voudrait sortir
mais dehors s'effondre, alors on s'enfonce, on traverse
des étendues où le seul futur est le cœur
qui bat comme un appel auquel on voudrait répondre
et c'est pourquoi on avance, même si à chaque pas
rien ne bouge que le corps obstiné qui poursuit
l'ombre qu'il n'a pas, on aimerait pouvoir
s'arrêter, regarder simplement l'aube qui vient,
poser la main sur la pierre froide et saluer
la lumière, dire les premiers mots, écouter
le crissement du sable, le bruissement de l'eau,
la rumeur des choses qui commencent mais le jour
est déjà le soir, on n'a rien pu saisir, on reste
vacant à regarder ses mains dans l'éclat des lampes
ou sur la vitre l'attente du visage noir,
on se perd, on se retrouve, il y a des silences
remplis de voix, des matins tombés comme des soirs,
plus on avance et moins on sait, on cherche demain
entre des mots qui disent hier, ce qu'on a gagné
on l'a perdu, comparé à ce qu'on a été
on n'est rien, disait-il, mais un rien qui insiste,
on guette entre les signes du corps l'imperceptible
grignotement tandis que sur la fenêtre brille
une sorte de splendeur, on voudrait y entrer,
être le courant et à la fois se voir couler,
on cherche, les choses semblent n'avoir pas bougé
mais quand on veut les prendre, les toucher, simplement,
c'est comme si elles reculaient, s'effaçaient
ne laissant sur les doigts qu'un peu de poussière à peine,
quelque chose qui peut-être ressemble à l'oubli,
alors c'est dans cet oubli qu'on s'avance,
au moment où on croit ne plus rien tenir, c'est là,
un éblouissement minuscule, on est perdu

 

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JACQUES  ANCET

 

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