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EMMILA GITANA
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15 mai 2009

LES CHAMPS MAGNETIQUES...Extrait

Ce soir, nous sommes deux devant ce fleuve qui déborde de notre désespoir. Nous ne pouvons même plus penser. Les paroles s'échappent de nos bouches tordues, et, lorsque nous rions, les passants se retournent, effrayés, et rentrent chez eux précipitamment.
On ne sait pas nous mépriser.
Nous pensons aux lueurs des bars, aux bals grotesques dans ces maisons en ruines où nous laissions le jour. Mais rien n'est plus désolant que cette lumière qui coule doucement sur les toits à cinq heures du matin. Les rues s'écartent silencieusement et les boulevards s'animent: un promeneur attardé sourit près de nous. Il n'a pas vu nos yeux pleins de vertiges et il passe doucement. Ce sont les bruits des voitures de laitiers qui font s'envoler notre torpeur et les oiseaux montent au ciel chercher une divine nourriture.
Aujourd'hui encore( mais quand donc finira cette vie limitée) nous irons retrouver les amis, et nous boirons les mêmes vins. On nous verra encore aux terrasses des cafés.
Il est loin, celui qui sait nous rendre cette gaieté bondissante. Il laisse s'écouler les jours poudreux et il n'écoute plus ce que nous disons. " Est-ce que vous avez oublié nos voix enveloppées d'affections et nos gestes merveilleux? Les animaux des pays libres et des mers délaissées ne vous tourmentent-ils plus? Je vois encore ces luttes et ces outrages rouges qui nous étranglaient. Mon cher ami, pourquoi ne voulez-vous plus rien dire de vos souvenirs étanches? L'air dont hier encore nous gonflions nos poumons devient irrespirable. Il n'y a plus qu'à regarder droit devant soi, ou à fermer les yeux: si nous tournions la tête, le vertige ramperait jusqu'à nous.
Itinéraires interrompus et tous les voyages terminés, est-ce que vraiment nous pouvons les avouer? Les paysages abondants nous ont laisser un goût amer sur les lèvres. Notre prison est construite en livres aimés, mais nous ne pouvons plus nous évader, à cause de toutes ces odeurs passionnés qui nous endorment.

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ANDRE  BRETON, PHILIPPE SOUPAULT

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manuscrits1_440

Commentaires
A
Merci beaucoup pour cet extrait !
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N
Notre prison est formee des livres que nous aimons .Un appel a faire une table raz de tout l heritage de la litterature des siecles passes pour une creation plus libre ca c est le surrealisme
Répondre
EMMILA GITANA
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