VISITATION
ô houle annonciatrice sans nombre sans poussière de
toute parole vineuse
houle et ma poitrine salée des anses des anciens jours
et la jeune couleur
tendre aux seins du ciel et des femmes électriques
de quels diamants
forces éruptives tracez vos orbes
communications télépathiques reprenez à travers la
matière réfractaire
messages d’amour égarés aux quatre coins du monde
revenez-nous ranimés
par les pigeons voyageurs de la circulation sidérale
pour moi je n’ai rien à craindre je suis d’avant Adam
je ne relève ni du même lion
ni du même arbre je suis d’un autre chaud et d’un autre
froid
ô mon enfance lait de luciole et frisson de reptile
mais déjà la veille s’impatientait vers l’astre et la poterne
et nous fuyions
sur une mer cambrée incroyablement plantée de poupes
de naufrages
vers une rive où m’attendait un peuple agreste et pénétreur
de forêts avec aux mains
des rameaux de fer forgé — le sommeil camarade
sur la jetée — le chien bleu de la métamorphose
l’ours blanc des icebergs et Ta très sauvage disparition
tropicale comme une apparition de loup nocturne
en plein midi
.
AIME CESAIRE
.
Oeuvre de Frantz Zéphirin