MORT D'UN ARBRE...Extrait
Alité sur la mousse et la ruine des
fleurs,
Tenant, ainsi qu'un dieu, immobile et grondante
Sa tête, il aura beau cracher loin de son coeur
Son désespoir d'aimer les nues indifférentes,
La vanité des eaux et les plaines stagnantes,
Il aura beau crier qu'il aidait au bonheur
Des herbes, des rochers, des printemps et des chantres,
Qu'à l'aube il s'élançait sans attendre son heure
Et qu'il jugeait toujours sa peine insuffisante,
Cet être presque humain, nul ne voudra l'entendre.
Au dos du bois trahi se dandine la hache
Que nul valet lambin ne viendra plus reprendre
Avant l'aube. Le vent le lèche à langue large
Et les pansements verts dont l'infirmier espace
L'entourent lui sont lourds et leur pitié l'écorche.
Qu'attendre au carrefour des saisons
tortueuses?
Les caillots roux du soir ne lui feront plus fête,
Gonflant de ciel sanglant ses muscles de feuillage.
Même la gourmandise des guis le déserte
Et les trèfles dès l'ombre ont abêti leurs têtes.
L'astre le plus fidèle a fui, gaulé des
branches.
Aux bosquets raccourcis par la lueur lunaire
S'engourdit sans remords un glas impénétrable.
Et, seuls, sur l'arbre aimant, dont la veuve est l'Aurore,
Pleuvent les quolibets des genêts gras et pleutres.
La ferme où je suis né s'en va sans
connaissance,
Mère, mère; elle a mis comme toi sa coiffe du dimanche.
La herse qu'est mon âme s'est prise entre les souches;
La terre, nourricière des poèmes, reste en friches;
Bercera-t-elle cet été la noble sieste des gerbes?
Pourquoi, brodée de lune, l'escorte des
marguerites,
Titubant sur les ronces des talus hirsutes,
S'accroche-t-elle aux jambes molles du crépuscule?
Et, moi, que fais-je là, taciturne, immobile,
Avec cet arbre mort en travers de mon être?
(...)
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ARMAND ROBIN
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