LES BONNES LAVANDIERES
Les batailles de fleurs coupées ou de fruits mûrs le long des
soirs de carnaval, les rixes d'amoureux dans la luzerne et la boue,
les festins honorant la lune: tout s'achève en labeur souriant pour
les jolies lavandières, agenouillées près du torrent tout au bout
de la ville.
Dans les herbes mouillées grésillantes de libellules, elles
chantent sans trêve, plus fort que les oiseaux, plus haut que les
roseaux, plus longtemps que les saules.
A grands coups de battoir, elles repoussent en chœur les ondins
malicieux, ces pillards jaillissant de l'écume pour un butin de
linge.
Quand s'égarent près du torrent quelques soldats meurtris, elles
les réconfortent d'un pichet de vieux cidre, et troquent les
uniformes contre des gilets bleus.
Tuniques de guerre, tuniques de mort cédées au courant, quand
sèche à midi un linge oublié, que parfument secrètement les rosiers
sauvages et les glaïeuls ...
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PHILIPPE VEYRUNES
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Oeuvre Auguste Renoir