JARDIN DE TRES BONNE HEURE
Jardin de très bonne heure,
ce ne sont plus des chants de grives
qui le réveillent, mais l’espace à présent,
puisqu’il a retenti, on l’écoute
au-dehors à l’intérieur des souffles.
Au cœur toujours et toujours
on aborde, on ne désire que l’accord,
on a bien le temps, celui
que les orbes deviennent
des noms féminins comme les vagues.
Ne pas troubler l’ordre du monde,
marcher sur l’herbe, ce sont ces taches
dorées ou bleues, si rondes,
nos seuls repères, le ciel, par la suite,
sera aussi frais qu’au-dessus de la mer.
Les fruits du sorbier sont-ils rouges?
il faut de branche en branche
le demander aux merles, apprendre
à offrir un centre au regard
en le dispersant, en ouvrant les paumes.
On dit «prune», par exemple,
et l’on n’a qu’une envie, que la syllabe
s’éclaire encore, continue de mûrir
au grand soleil dans l’arbre,
dans l’arbre d’un poème.
Une mûre, une baie, le mot le plus juste,
les mains le prononcent
avec les lèvres, elles confondent,
elles approfondissent
le sens de la chair, la saveur du large.
Au sol emprunter un caillou
pour le tenir entre les doigts, alléger
sans cesse, aller loin sans cesse,
ni contour ni clôture: une samare aussi,
même sèche, peut le dire.
Soir ou matin, la rosée goutte à goutte,
sur les fleurs rien ne tombe,
rien ne vieillit en traces, nos yeux
lorsqu’ils se lèvent, l’horizon est ici,
jamais ils n’oublient la première fois.
L’averse et l’embellie, le feuillage
les accueille, la terre,
l’instant, la plénitude est généreuse,
qui ne craint pas d’imaginer
la neige à travers ce jardin.
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PIERRE DHAINAUT
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Oeuvre Auguste Renoir