Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
EMMILA GITANA
Visiteurs
Depuis la création 1 630 292
Newsletter
Archives
9 février 2011

REQUIEM...Extrait

C’est ici que j’attends la venue du silence.
En face de l’arsenal putride
je ne distingue qu’une étincelle
dernier reste des feux.
Comme tous les restes, il a la marque
des choses cachées pour toujours,
des êtres ensevelis au sommet des dunes ;
comme les lettres marquées au fer rouge
sur la croupe d’un cheval volé par un gitan, ou une tache 
de naissance
sur la hanche bien-aimée.
Maintenant la nuit descend pour toujours.
Mon regard fatigué suit la pirogue
qui s’éloigne des mangroves.
Une lumière sur le banc de sable. Un crabe dans la vase.
Et la vie s’évapore comme les âmes
dans un ciel qui n’abrite aucun dieu.
Tous les paysages que j’ai vus sont réduits en poussière
sur les cartes postales rongées. Et l’ongle sale, ourlé de 
noir,
prend la place de la main ancienne. Les portes successives
des docks remplis de chapelets d’oignons et de sacs de 
sucre
se resserrent dans l’obscurité, se réduisent à une seule 
porte
insoumise au point du jour.
Face à la mer, sur la Barre San Miguel,
à peine maintenant je le sais :
la journée la plus longue de la vie d’un homme
dure moins qu’un éclair.
On ne célébrera plus le temps
parmi les constellations.
Le ciel et la terre vont s’enfoncer
dans la cendre trompée
des matins dérobés par la mort.
Et tout ce que j’ai aimé s’évanouit.
Le nuage écarlate se pose doucement
entre les maisons en pisé et la mer fendue par les vagues.
L’heure est venue de dire adieu à l’eau noire
qui s’agite dans la brume de la lagune
et au vent planétaire qui sèche les poissons
accrochés aux barres de fer des cabanes
et à la mer « caeté » qui s’est ouverte
au pied des falaises de ma patrie perdue.
L’éternité passe comme le vent.
Seul le temps est éternel. C’est ici que j’ai toujours été 
au milieu de mon peuple décimé,
et au-delà des dunes mes mains ont préparé 
le bûcher doré d’un étonnant festin 
anthropophage. Une nuit de cendres
succède à présent aux clameurs et à la joie.
La mer étouffe tous les naufrages
et tout feu s’éteint, tout feu doré
se traîne et se meurt dans le silence du monde
.

LEDO IVO

.

p6352_325140a3dd6858518ef18c466c2b6a40P30826

Commentaires
EMMILA GITANA
Tags
Derniers commentaires