SANS ESCLAVAGE
Un jour et des montagnes
Lorsque le jour ne tient à rien
La bise seule est saisissable
Un homme marche
- J’ai tué la clémence dit-il
Sourire d’enfant il est câlin
Fier et navré près du ciel qui s’estompe
Serait-ce à toi de l’incliner à la bonté?
Je ne suis pas responsable du destin de mon frère
Crie Caïn tu cries je crie
Si j’étais responsable de l’homme
De qui l’homme serait-il responsable?
La montagne se tait
Equilibre sur ses étages
La discrétion rayonne
L’homme continue de marcher
Entre son charme et sa méchanceté
Chacun dans une main
Et ses mains se balancent
On voit le ciel qui passe
Et je regarde
L’homme a peut-être froid
Serait-ce à moi de décider?
Et l’hiver va rouler dans le vent vers l’abîme
J’ai su que d’autres pouvaient remaquiller
La tête de chaque homme
Depuis des bains d’enfance
Pour moi je sais un peu lire sans repères
Parmi les couches du remords
Et voici toute rouge
La tête ébouriffée du soleil froid
Qu’on voit percer la brume entre les monts tacites
Sans esclavage
Le sang qui gicle ne fait pas mal
Ulysse dans la mer des visages
Dans la mer des écueils dans la mer de la peine
Mon frère dans le mal des épaves
La peur chantant parmi les incidents
Et mes doigts à tâtons autour de la tiédeur
J’ai rampé sur les échelles de la chair
Ulysse frère et prochain mon semblable
Entre deux cris d’oiseaux
Apprends-moi la présence parmi ceux qui se noient
Nos mains sont pleines de la rumeur des lèvres
Nos mains pleines aussi du silence qui mange entre nos yeux
Nos mains vivantes sur les ondes
Nos mains cherchant la vie sur les visages
Et la mer tend sa gueule
Et nous sommes petits
Ainsi se disséminent chaque fois les planches du bateau
Rictus clins d’œil
Le coin de l’œil pouvant tricher
Je ne sais pas si nos consciences se délabrent
Ce sont nos rides qui se croisent et notre peau s’accuse
Vieux frère apprends-moi à attendre
Apprends-moi à durer
J’ai vu un jour le monde fendu sur un sourire
Avec le ciel criant heureux des deux côtés
Mais sous le deuil tout à l’heure
La mer étant gonflée d’abîmes
Et la morale en désarroi
J’ai épelé la vie et un nom a crié
Et la lumière a ri
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GABRIELLE ALTHEN
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Oeuvre Diogène Maillart