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EMMILA GITANA
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20 septembre 2011

GEORGES PEREC

Je ne sais pas très précisément ce que c’est
qu’être juif
ce que ça me fait que d’être juif.

C’est une évidence, si l’on veut , mais une évidence
médiocre, qui ne me rattache à rien ;
ce n’est pas un signe d’appartenance ,
ce n’est pas lié à une croyance, à une religion, à une
pratique, à un folklore, à une langue ;
ce serait plutôt un silence, une absence, une question,
une mise en question, un flottement, une inquiétude :

une certitude inquiète,
derrière laquelle se profile une autre certitude,
abstraite, lourde, insupportable :
celle d’avoir été désigné comme juif,
et parce que juif victime,
et de ne devoir la vie qu’au hasard et à l’exil.

J’aurais pu naître, comme des cousins proches ou
lointains, à Haïfa, à Baltimore, à Vancouver
j’aurais pu être argentin, australien, anglais ou
suédois
mais l’éventail à peu près illimité de ces
possibles,
une seule chose m’était précisement interdite :
celle de naître dans le pays de mes ancêtres,
à Lubattow ou à Varsovie,
et d’y grandir dans la continuité d’une tradition,
d’une langue, d’une communauté.

Quelque part, je suis étranger par rapport à quelque
chose de moi-même ;
quelque part, je suis « différent », mais non pas
différent des autres, différent des « miens » : je
ne parle pas la langue que mes parents parlèrent,
je ne partage aucun des souvenirs qu’ils purent
avoir, quelque chose qui était à eux, qui faisait
qu’ils étaient eux, leur histoire, leur culture,
leur espoir, ne m’a pas été transmis.

Je n’ai pas le sentiment d’avoir oublié,
mais celui de n’avoir jamais pu apprendre...

.

GEORGES PEREC

.

Georges Pérec (1936-1982) naît à Paris, le 7 mars 1936, de parents juifs polonais émigrés une dizaine d’années auparavant. Son père est tué en juin 1940, et sa mère déportée en 1943. Sans famille, sans collectivité où s’insérer, Perec fait de la littérature « son » monde, le lieu où il trouve et recrée un foyer. Il dit de ses parents : « J’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture, l’écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie. »

.

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