ROSES D’EREVAN
Merci à Serge pour sa gentillesse
Je suis parti avec le parfum des roses d’Erevan, mais les roses sont restées là-bas, place de l’Opéra. Mon corps a brûlé dans l’écrasement furtif de leur corps contre le mien. J’ai senti leurs seins éclater contre mon corps. — Immense terre.
J’ai vu leurs larmes obscures à l’instant du départ monter au soleil de leurs yeux. J’ai entendu l’orage de leurs rires tomber, première neige d’automne. Leurs doigts de suif ont filé jaune, — hautes chandelles fines dans le noir des églises.
Les premiers frimas ont fait choir l’or des feuilles de leurs arbres. L’été, leurs mains m’ont apporté l’eau pure et glacée de leur fontaine qui sans cesse se renouvelle au grand œil bleu du lac Sévan. — Ô pays Naïri !
— C’est l’heure, m’ont-elles dit ! C’est l’heure et le vent s’est mis à souffler du haut des montagnes au creux des vallées. — C’est l’heure ! répétaient les oiseaux au Fort des hirondelles. Toutes les cloches ont volé, n’était-ce pas un dimanche de Pâques à Etchmiadzine, où tu crus croiser Komitas en colère ? N’était-ce donc que le froid de ce matin de neige, ou l’absence de sommeil, pourquoi tout à coup ton corps s’est-il mis à trembler ? J’ai entendu les lourdes bottes de l’hiver marcher à grand pas ? — J’ai goûté à la première neige.
J’ai regardé l’Ararat droit dans les yeux, au fond des yeux, et il m’a salué du haut de son austère majesté. J’ai ressenti alors la terre et son odeur rouge, fort ancienne, trembler sous mes pas qui s’effacent avec le sol qui se dérobe au début d’un rêve.
Mon oreille a entendu tant de choses, mais elle s’étonne toujours du rire des enfants qui résonne, bruit de source, léger carillon de printemps éparpillé parmi les montagnes du Caucase. — Toutes empanachées de neige ce matin.
SERGE VENTURINI
Arménie, octobre 2011.
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Oeuvre David Mardirossian