ARMAND ROBIN
Étrange berger,
Berger curieux,
Sur une immense lande debout,
D’une main malhabile
J’ai contre le ciel
Lancé mon caillou.
Puis j’ai regardé les nuages ;
Je suis descendu d’eux ; en eux je traîne encore.
Je me suis occupé de la fuite des saisons,
Des fuyantes fraîcheurs des sources,
J’ai gardé près de moi le corps émouvant, chancelant
Des plantes penchantes
Je sens directement avec mon âme d’enfant
Une fleur, un papillon, un caillou, une étoile libre
Un ciel neuf chaque nuit et que nul ne pille.
La liberté des étoiles me tourmente.
Je n’ai pas altéré les fraîcheurs des sources,
J’ai cherché le spontané, le mouvement purifié,
Des nuages, des arbres, des cieux agités ;
Les instants du monde qui me furent donnés
Je me suis en eux caché.
Je suis seul et je chante pour ma joie ;
Une fleur, un caillou, une bête abritée dans les fourrés,
Un pan de la tremblante robe du ciel, un pan de l’eau dansante
Composent mon pouvoir, mon bruit, ma liberté
Ils savent en moi plus haut que moi chanter.
Je suis libre des conseils vulgaires ;
Mon secret, c’est qu’il n’y a rien que la liberté
Fuyante des étoiles et qu’il faut se courber
Chaque soir avec la beauté des cieux
Je tends en fou le bol des fontaines
Où tombent le temps, le ciel, la plaine.
Qu’ils tombent, moins lourds qu’un pleur,
Que n’y tombent ni songes ni peines !
Quand la brume passe en croupe au corps d’un cheval blanc,
Le soleil étonné grandit.
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ARMAND ROBIN
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Photographie John Muir