AMERIQUE
Je suis le fer fiché dans les chairs de ta plaie
l'arête coincée dans le goulot
de ton gosier
l'éclat d'anthracite dans la roche de tes os
et nul baptême
nulle ablution ne te lavera de moi
Amérique
les neiges fleurissant tes plaines de coton
c'est ma sueur féconde
c'est mon sang
ta richesse
les sèves de douceur
dans tes roseaux aux longs cheveux d'argent
ce sont mes larmes non taries
dans la bruyance de tes machines
de tes mines
de tes usines
dans la violence des voix de cuivre
des voix de nez
des voix enrouées de ta musique
entends l'accent de ma colère
de ma douleur
et de mes hontes
Amérique
les nuées de charbon sur tes banlieues en deuil
non ce n'est pas la suie de ma peau
souillant la lumière des hommes
c'est la cendre de mes os calcinés
dans l'incendie des lynchages
l'acier de tes buildings coule
dans mes muscles de bronze
car je porte sur mes épaules
tout le poids du Nouveau-Monde
je suis l'ombre de ton corps
la nourrice aux mamelles de nuit
dont le lait enrichit la vigueur de ton sang
la pâleur de ton teint
– tu ne peux te défaire de moi
j'ai la fureur des amants éconduits
j'implanterai mes dents
dans ta chair lumineuse
ô terre de viol
terre d'injustice
et d'avenir
je briserai ton échine –
si fragile entre Colon et Panama
je nouerai autour de ta taille arquée
une étroite ceinture d'incandescence
de convoitises
ma voix
– celle de Césaire et de Mac Kay
de Robeson et de Guillen
sera plus forte que ton orgueil
plus haute que tes gratte-ciel
car elle jaillit des sombres entrailles de la souffrance
Amérique
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GUY TIROLIEN
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