SUITE POUR LES ABSENTS
Une page du ciel où s'inscrit la terre
Ses arbres frêles, la fumée de ses feux
Où brûle une heure d'Avril
Par la blancheur de la page
S'échappent les paraphes des nuages
Leur fuite infinie
Hors de si peu d'espace
Le paysage est rentré dans la fleur de l'oeil
La cascade de la vue s'étale en cette eau ultime
Où dans un long regard, le coeur se mire
Constable
Comment toucher à ce matin frais ?
Perle qui glisse, soufflée
Sur le fil de l'eau
Dedans vu de dehors
- Et où sommes- nous
Si l'œil même s'en sépare ?
Peut-être la main
Ombre légère sur la page
Est celle de l'ange
Qui dans une brève avancée
Porte à jour
Traçant sur terre le ciel
Turner
Ici rien ne se passe
tout est dehors
Le temps se plie comme un vêtement
Dans un coin
La mer rentre par transparence
Par la porte de verre
L'eau de la lumière tremble
Sur les murs lisses
Prison ou sanctuaire
Fermé à double tour
Par le regard même
La paix de l'instant se boit
Dans une coupe sans bord
Là-bas un bateau gîte
Toutes voiles dehors
Et avec l'écume bleue
Je mouille la page
David Jones
(...)
Cherchant l'autre dans son absence
Comme une lampe le jour
Tendant les mains vers le pain des mots
Là où le chant du Loriot ferma le lit du temps
Dehors dans le chemin, l'oreille contre le silence
je souffle sur les cendres odorantes
D'un lieu de phénix
L'Isle sur Sorgue
La vie naît durement de la vie. Aller de l'autre
côté auprès de ceux qu'on aime semble être l'affaire
du corps et le corps se sait ici. Au-devant de lui
les mains sont mangées par la lumière mais les
pieds marchent toujours dans l'herbe usée. Ou
peut-être avons-nous passé le pont sans le voir et
maintenant entre nous et les sonnailles et les fleurs
il n'y a plus de distance. La légère buée du souffle
n'obscurcit aucune vitre. Sauf encore celle du coeur.
Martigny
La mesure d'un jardin sur une terre
de grand espace. Une fleur pour les
marches de l'air qui chante sur le sol
une musique couleur de rose. Les mar-
guerites sèches qui s'ouvrent encore
le jour et se ferment la nuit. Cette
infime respiration, une pincée de vie
entre les doigts obscurs, est notre
fidélité.
Caromb
.
HEATHER DOHOLLAU
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Oeuvre John Constable