U CANTU DI L'AGHJA ou le chant de l'aire de battage
L'aire ne chante plus
Sous l'épais maquis
Rochers et limon s'épanchent
Larmes diluviennes
Des montagnes esseulées
Qui s'en seront à jamais
Emparée Irrémédiablement
Quelques pierres roulées
En leurs étreintes de chaînes
Fabulent de loin en loin
Les révolutions lancinantes
Du boeuf de l'âne
Août si long et redouté
N'attends pas dans ce regard
Vers la vallée des ronciers
Les sonnailles et les clarines
Elles ne tinteront plus
Qui s'en retournaient
De l'estive en flânant
Et qui languissaient
Comme le berger et son chien
Le champ bouleversé
Trahit l'épis condamne l'épaûtre
Et pareil au chemin révulsé
Qui égare les saisons
Sous la voûte ombreuse
Le ciste le lentisque et le myrte
tamisent çà et là quelques rais
Du soleil bas de l'automne
Les murs serpentent et vacillent
En croulant dans la forêt
Ils rendent en silence
Les moires et les reflets
De la pierre vermoulue
Tant de mots rares Pensées
Que les siècles agencent encore
Obstinément comme un regard
Le souffle contenu d'un sanglot
L'éclat d'un sourire rendu
Et pourtant le ruisseau court
Bordé de sable et de galets
Entonne la ronde des années
Qui confondent mélodieusement
A la source du temps près du mas
La joie l'espoir de renaître
Et chaque aube à la sagesse
Des monts et des vaux
Viens assieds-toi près de moi
Là une pierre creuse et polie
Où le paysan reposait
L'outil et le manche de buis
Coupe le pain et sous l'olivier
Bois Etanchons notre soif
A l'outre de peau tannée
Des sucs carmins de la vigne
Porte à tes lèvres gercées
Le fruit lactescent et dense
De la chèvre de la brebis
Il n'est d'autres trésors
Que la sève de la terre
Livrée aux métamorphoses
Aux noces du labeur et des terroirs
Laisse l'agneau et le cabri paître
Comme tu égrènes passionnément
En tes sens comblés d'ivresse
Les révélations de l'instant
Le chant profond séculaire
Du temple et du verbe
Aux saveurs enfin désincarnées
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CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC
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AGHJA