SERGE VENTURINI
KROOH, KROOH, KROOH*— Avec le doudouk j’entends l’appel du Massis. Mon cœur respire à son immémorial cri. J’écoute vibrer son souffle dans l’invisible. — Pierre de ma parole ricochète sur l’Ararat ! — Dans l’écho elle se répercute. Très haut. Dans l’air. Or au levant les oiseaux l’emportent sur leurs ailes. — Une odeur de printemps inonde toute la grande plaine. Une forte pluie vient à tomber violente queue d’orage. Le vent qui se lève nettoie l’atmosphère fumante. — L’espace s’ouvre d’éclairs. De clarté. — Puis le noir. J’entends gronder le tonnerre les combats les guerres. Des cris montent à ton front des cloches sonnent le tocsin. Mais le sang a séché derrière les barbelés. — Au ciel il pleure des étoiles. Des étoiles géantes. La pleine lune grimace au-dessus de Khor Virap. Tu te drapes d’un épais brouillard. Tu disparais. — Je te vois perdu dans la nuit des temps obscurs. C’est faute de n’avoir su te garder près de nous. Il dit la douleur la perte il parle de l’exil. La grue qui s’envole claquète du bec sans te voir. — Où sera-t-elle demain au couchant qui flamboie ? — Quand aurons-nous des nouvelles de cette terre lointaine ?
* cri de la grue cendrée
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SERGE VENTURINI
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