VENEZ MARINS...
( ... )
Soyez le corps où s'enracine ma sève aux réminiscences salines !
Les vagues ont appris à mes sens les balancements languides de
l'attente.
Laissez aux hommes de terre la droiture immobile des lits désenchantés !
.
Couchez dans les hamacs de mes rêves atlantes
Vos forces enrichies aux vents et aux cyclones
Que je les berce de ma voix de brume tiède.
Laissez glisser sur vos peaux nues mordues de sel amer
L'ondée des matins clairs qui perle à mes lèvres fécondes!
.
Venez marins, oh oui venez ! Prenez la main que je vous tends !
Buvez l'immémoriale poésie dans les hanaps de nacre translucides.
Buvez l'immensité sans frein de l'océan qui peuple ma folie
Et dans la démesure que je vous offre, prenez la mer et sa puissance !
Vous serez forts et invaincus quand les flots couvriront de leurs draps
bleus
Nos corps enlacés dans l'élan de la soif et du désir.
En nous naîtra le rythme d'un intarissable ressac
Et les masses grondantes des eaux immenses se prosterneront à vos
pieds.
.
Prenez la mer ! Prenez le corps parfumé d'iode que je vous offre !
Soyez le seigneur à la nage puissante que nul orage ne défie !
Riez aux amarres timides et dites à vos gabiers qu'ils se déploient aux
vents !
Etirez sans finir le baiser qui éteint mon chant
Et le livre tout entier à votre souffle avide des beautés outremer.
Laissez l'étreinte de vos espoirs mêler sa force à mon appel,
Que nos rêves se croisent et s'entremêlent, que nos voix s'initient.
.
Sentez comme l'océan en vous peut se dissoudre
Et de ses innombrables sels irriguer vos corps abandonnés.
Soyez, par ce don sans retour, les héros de mes rêves en devenir !
L'amour surgi en vous dans la nuit mugissante éclairée de mes stances
A expulsé toute peur, toute retenue et vous êtes désormais là,
Offerts en pleine liberté à mon désir violent et absolu.
.
Venez à moi, marins ! Que ma chevelure irisée d'écume enlace vos
visages !
Que l'attouchement de mes insaisissables mains caresse vos dos
puissants
Et vous glissez à moi ravis, aimants, sur des tapis d'algues frangées.
Aimons-nous sous l'arche de lumière aux mille reflets,
Sous les grappes épaisses et blanches qui retombent en gerbes
assourdissantes
Des cimes éphémères lancées au ciel par de furieuses marées.
Délivrons l'épaisse falaise du chant de mes souffrances
Et nageons à n'en plus pouvoir dans les flux éternels vers des lagons
limpides
Où nous coucherons à jamais dans les replis immuables
De l'or désincarné des sables dormants offerts à la lumière du temps
.
LEILA ZHOUR
.