LE CHANT DE SAMA N'DEYE ...Extrait
Avant que ne scintille
ta face à ma vue,
et que mes regards ne vacillent…
Avant que ne résonne d’émoi ton nom
et que la peur ne détonne en moi,
te redoutant en même temps que t’épiant,
je cherchais à ne rien perdre
de l’heure de cette rencontre…
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Dans la nuit glaciale
du désert de l’absence,
du silence que blesse
le fil frêle d’un vain espoir,
un murmure sourd,
semblable à ta voix,
en sortant de ma bouche.
- Au cœur de ma solitude tu habites,
et dans l’écho de ta pensée
est mon séjour.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant
J’ai interrogé la source,
pour éteindre mes souffrances.
L’eau fut claire à ma douleur,
les ablutions ont assoupi le feu,
elles n’ont pas éteint la vérité.
Et de ton visage,
la source a dit
que je ne serai jamais étanchée.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
La source a dit encore :
tu ne vins de nulle part,
tu fus toujours là !
Sommeillant au fond de moi-même,
ta voix précéda dans ma vie
ton nom comme ton visage.
Tu t’éveillas avec
les bourgeonnements de mon corps,
je croissais et fleurissais
par ta possession de ma vie.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Je n’ai plus de souffle ni de battement
de sang,
que la muette oraison
des syllabes de ton nom.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Ramène-moi au sommeil d’innocence
dans lequel nous dormions unis,
et qu’aucun réveil
ne nous sépare plus.
Clos ensemble,
tu seras ma coquille et moi ta chair ;
nous serons l’escargot d’avant la peine
et nous habiterons en nous.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Si tu m’étais jamais étranger,
nous nous séparerions après l’étreinte
comme divorcent le feu et la cendre.
Tu me laisserais éteinte et abusée,
songeuse et insipide,
dans l’étrangeté d’avoir aimé.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Or, brûlante dans ma chair,
ta pensée croît ;
de feu pendant ta présence,
et de glace durant ton absence.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Il me souvient ma chevelure
de nuit se tressant de désirs et de songes,
- et mes espérances, - et mes tentations,
tels de longs serpents nus et souffrants,
le corps brûlant de venin mûr,
ils baisaient mon sein de frais sifflements,
et dans la morsure consentie de ma chair,
ils éclataient
d’un ivresse aboutie
et toute recueillie.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Je m’enroulais dans une exquise solitude
au milieu de leurs caresses multipliées.
Et, mêlant mes transes
et leurs spasmes,
elles infusaient jusqu’à mes secrets
d’adolescente.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Hôtes fondus en moi,
je les portais au jour par mon corps,
vêtue du voile de pudeur.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Quelle ombre qui par ton absence
recouvre à présent le jour ?
Dans la clarté même de ma prière,
une soudaine amaurose
éteint mes yeux.
- Je t’attends dans la nuit.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Pour que tu retrouves
le lieu de mon attente,
j’ai fondu toutes les étoiles du ciel
dans mes larmes.
Une rivière de lumière coule,
à laquelle tu viendras boire.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Longe le bord de ma peau
jusqu’à ce que tu reviennes
à mes sources,
tu embraseras toutes les nuits du monde
par l’effleurement de mes lèvres.
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LEOPOLD CONGO MBEMBA
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