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EMMILA GITANA
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10 juillet 2015

ET BASTA ...

Quand j'emprunte des paradoxes, je les rends avec intérêts.

J'enrichis mes prêteurs qui deviennent alors plus intelligents.

Le taux usuraire de l'astuce n'est jamais assez élevé.

Je ne sais pas d'où je viens mais je sais que je suis là, à reverdir, dans cette campagne toscane.

Les rossignols teints au Gargyl chantaient des aubades pharmaceutiques.

J'ai les cheveux trop longs... comme des voiles de thonier, mes beaux cheveux qu'on m'a toujours taillés, mes beaux cheveux longs dans ma tête.

Dans la rue, on se retourne...

Moi, je leur tire la langue!

 

O belles pattes des fourrures

Chapeau du vent de ces madames

Inquiétude de la parure

Toiles de soie vers vous je rame

 

Je sais des paradis tranquilles où les anges n'ont pas de vin à boire mais des orages de raison.

Des violettes de reverdie.

Je sais des paradis tragiques où les fauteuils d'orchestre n'ont pas de mémoire

Où les roses ne fleurissent que par osmose, et encore...

Où les passions sont d'un autre ordre et les mirages d'une autre qualité et de la nuit pourtant venus...

Je sais des paradis-bordels où l'on me fait signe

Où l'on se signe

Où l'on me désigne pour la bonté des mains tendues et des bouches capitales

Comme au petit matin... Tchac!

Je sais des paradis naturels où le mauve tient lieu de drogue

Où l'on peut passer du mauve à la frontière

Je sais des paradis câlins avec la barbe de deux jours et des saints

Sans foi ni loi

Sans feu ni eau

Avec simplement une ceinture d'émigrant

 

J'émigrerai quelque jour vers vos pays cachés

Et ne reviendrai plus

 

Regardez-moi

Passants de rien, poules de luxe, fleurs incroyables

Regardez-moi

Je suis un migratoire, un migratoire

Je suis un vieux corbeau qui court après une charogne comme un chien de course après le leurre

Je suis un vieux corbeau de la plaine où je vais m'englânant des trucs dégueulasses, de vieilles graines d'homme qu'on a trop employées

Je suis un vieux corbeau qui court après une corbeaute

Je croasse comme on peut croasser quand on est un vieil oiseau de cinquante-sept piges

 

Je tiens que le désespoir des ordures est une incompétence biologique à pouvoir en sortir un jour ou l'autre, coûte que coûte

Quand la merde déborde, c'est encore de la merde

À ce moment-là, je connaissais une chanteuse... Vous la reconnaîtriez aussi, c'est facile.

Une chanteuse qui a le derrière sur la figure, ça vaut la carte d'identité, non?

Et puis, Madame Lechose, taulière blonde, un peu grasse, un peu... Taulière

à L'Escalier de Moïse, où il y avait de tout, du Fernand, du Ferré qui chantait au piano, avec son chien et ses grimaces, et son petit cachet...

- Dis donc, Léo, ça ne te gêne pas de gagner de l'argent avec tes idées?

- Non. Ça ne me gênait pas non plus de n'en pas gagner avec mes idées, toujours les mêmes. Il y a quelques temps.

Vois-tu, la différence qu'il y a entre moi et Monsieur Ford ou Monsieur

Fiat, c'est que Ford ou Fiat envoient des ouvriers dans des usines et qu'ils font de l'argent avec eux.

Moi, j'envoie mes idées dans la rue et je fais de l'argent avec elles. Ça te gêne? Moi, non! Et voilà!

 

Madame Lechose, un peu blonde, un peu... Je la regardais, des fois, en chantant, juste en face de moi, qui n'en perdait pas une, de ses fiches, et le whisky tant, et le gin-fizz tant, et le citron pressé tant... Et mon citron pressé?

La Mère Lechose, un peu blonde, un peu grasse, toujours à l'heure, comme les vrais artistes, ceux qui travaillent, et comme ceux qui font travailler les artistes. Je faisais la salle.

Jamais les clients. Arkel, mon chien, venait me chercher après le Flamenco de Paris.

C'est tout ce que j'ai eu de vraiment espagnol à ce moment-là. Ce devait être un chien exilé.

Je rentrais chaque nuit dans le désert Paris, dans cette brume des garages où reste un peu, le soir, après que les voitures soient passées, de cette odeur des temps modernes qui vous remonte du fond de votre carter, portant

le deuil des foins brûlés. Je rentrais chaque nuit dans le désert Paris.

Les putains ne m'accrochaient jamais. Elles savaient que j'étais un homme public, Elles, les filles publiques...

- Alors, comme ça, on se prostitue, Ferré!

Je rentrais chaque nuit dans cette maison douce où gouttait l'eau du robinet, dans cette cuisine un peu salle de bains, avec sa cuvette...

 

Je vivais à ce moment-là avec une femme. Assez longtemps, avec des problèmes de mouise, d'attentes au bout d'un téléphone qui ne sonnait jamais.

Le téléphone, quand il sonne trop souvent, on s'arrange pour faire répondre qu'on est là ou qu'on n'y est pas.

Les importuns ne croient jamais ainsi qu'ils vous importunent et vous êtes tranquille. On ne peut pas être plus sociabilisé, pas vrai?

Et puis, les commissions, le dentiste, les droits d'auteur minces, minces... Quand on travaille comme on veut, on touche comme on peut.

J'allais chercher les sous moi-même, toujours moins de cent mille balles.

Pas de chèque, et vite un restaurant dans un bon quartier. Et puis et puis, les souvenirs s'entassent. Le mariage vous mine petit à petit.

On est fidèle parce que c'est l'usage et les années s'entassent aussi. Les souvenirs, d'ailleurs, c'est du présent discutable. On est hier, toujours.

Moi, je vivais demain et ça fabriquait les malentendus. Un artiste vit toujours demain, sinon il est fait pour l'usine.

À l'usine, le présent, c'est un cadeau quotidien, incessant.

On peut te congédier, alors tu prends des dispositions particulières pour ne gueuler qu'en connaissance de cause et dans le silence revenu des retours à la maison.

À la table de travail, devant la page blanche, l'artiste n'est pas là. Il vit là-bas, loin de tout, du téléphone, de sa compagne, de ses problèmes.

La solitude est une affaire d'ordinateur. Moi, je me perfore loin des imbéciles et du propos courant. On me hait.

Je m'en fous. Je suis un autre mec. Voilà.

 

Ni Dieu, ni maître, ni femme, ni rien, ni moi, ni eux et Basta!

 

Il y a l'amour... peut-être. C'est une solution, une solution à un problème qui reste un problème. Alors... Rien.

Une solution... Un problème... Par quoi commencer?

On donne et on te prend. Celui qui prend a l'impression qu'il donne...

Arrange-toi avec ça, si tu peux. Il y a derrière les yeux des gens, une cité privée où n'entre personne.

Une cité avec tout le confort d'imagination possible. Les gens que tu vois chez toi, sont d'abord chez eux. Ils ne te voient pas.

Ils se singularisent dans l'immédiate et toujours constante défense de soi. Ils ont peur. Ils sont terribles, les gens.

Ceux que tu appelles tes amis, ce sont d'abord des gens remplis du moi qui les tient en laisse.

L'homme est un "self made dog"...

Mais il parle au centre du monde, et le monde, c'est lui.

Il transpire, il a une queue mais ne sourit pas avec, comme le chien. C'est tout et c'est trop.

L'amitié, c'est comme le ciment armé: on ne sait pas comment ça vieillit. J'aime les vieilles pierres. Elles ne transpirent pas.

 

Ni Dieu, ni maître, ni femme, ni amis, ni rien, ni moi, ni eux et Basta!

 

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LEO FERRE

 

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tara turner,

Oeuvre Tara Turner

 

 

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