NUIT
J’évite encore la mort en écrivant un poème
Alain Borne
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Gravées dans le béton
ou sur l’écorce
les traces résistent.
La nuit est venue tôt
sur le ciel trop bas.
L’eau gronde
près des arbres hauts.
L’odeur des fruits
migre lentement
vers une autre saison.
On pense aux sources qui naissent
et s’éloignent
sans nous apaiser.
On reprend le livre usé
le dialogue avec le poète
mort
depuis des ans.
Son chant ses mots
tissent une toile
parfois juste un filin
qui nous retient.
Sa voix sourde
cherche à nous joindre.
Ses poèmes
nous atteignent
froissés de fébrilité.
La nuit parfumée de bleu
et d’ombres marines
veille sur le monde vieillissant.
Plaintes d’insectes
soupirs de limon
la sève court
de l’un à l’autre,
d’un nœud à l’autre
se reposant.
La nuit vient pour mourir
tout comme nous.
Sur un disque irisé
nos traces gravées
disent nos racines
celles des jours
où la pluie était magicienne
et notre vie
amour illimité.
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AGNES SCHNELL
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Photographie Alexander Yacovlev