LA FÊTE DE L'EAU
L’on chante une rivière mal chantée car trop chantée
comme un mantra qui de tout l’affirmerait victorieuse,
car ce n’est plus par réflexe qu’il faut nous y pencher :
plutôt rompre la mécanique des automatismes,
penser son cours comme notre propre réseau sanguin
irriguant les tissus les plus essentiels de notre être ;
autour les sources sont sèches, l’aridité ruisselle
en un pays d’illusions comme de réalité
où le mistral abrite les foulques et l’éphémère ;
l’on chante la rivière aux factionnaires disparus
dans un tourbillon ancien provoqué par la guerre
qui les a engloutis au fil de plusieurs décennies ;
puisse la Sorgue au moins représenter l’impérissable ;
du destin de toute vie sachant à quoi s’en tenir,
le cadre qu’elle dispense nous soit moins chaotique ;
sur le canal dit de Moulin premier, et d’autres bras
nous résiste le Vivant aux formes si délicates,
aux derniers points de rupture de notre intelligence ;
jamais au gré, plutôt contre les autans prédateurs,
sur les droits fils où l’on tient en équilibre précaire
dans la veille apaisée d’une dernière migration,
rester présents, aussi peu spectaculairement
que l’oiseau, dans sa buissonnée d’espèces multiples
favorise pour chacune la vie partagée.
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Copyright HENR-LOUIS PALLEN
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Oeuvre Jacques Cousse