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EMMILA GITANA

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10 mars 2024

AVERTISSEMENT AUX LECTRICES ET LECTEURS

Nous tenions à prévenir les lecteurs de ce blog que certains " incidents " et changements de cet espace poétique et littéraire sont indépendants de notre volonté...En effet suite à la migration des milliers de blogs de " Canalblog " vers la plate-forme...
15 novembre 2025

LA RETRAITE SENTIMENTALE.... Extrait

 

 

 

 

 

 

« Et puis, même au plus vif de ma douleur, aux heures de la nuit où je creuse finement ma place la plus cuisante, avec cette sorte d’orgueil imbécile qui me menait, autrefois, à me couper en souriant la langue avec les dents, — au plus fort de cette gymnastique harassante à laquelle s’entraîne ma volonté — n’y a-t-il pas un espoir têtu, presque pas conscient, un espoir de plante secouée par l’orage et qui attend obscurément la fin de la bourrasque ? — n’y a-t-il pas une voix déjà confiante qui chuchote : “Cela s’arrangera. On ne sait pas comment, mais cela s’arrangera. Il n’y a pas de peine irrémédiable, sauf la mort. L’habitude seule de vivre mal à l’aise, de souffrir tous les jours, cette passive routine est déjà un remède, un rythme qui modère et adoucit les heures…” »

 

 

 

 

 

 

 

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COLETTE

(1907)

 

 

 

 

 

 

 

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COLETTE, DOULEUR, EXISTENCE, ESPOIR, VIE,

Colette

 

10 novembre 2025

CANTIQUE AUX MORTS DE COULEUR...Extrait

 

 

 

 

 

ll y a des cimetières
Où les paroles fleuries
Tombent droit comme des pierres
Dire morts pour la patrie

 


Dire tombés pour la France
C'est manière de causer
Une rime à la souffrance
Affaire de s'excuser

 


Que saviez-vous des querelles
Que réglaient en miaulant
Les fusants et shrapnells
Ces inventions de blancs

 


Hommes noirs tombés en Flandres
Dans la neige de chez nous
Qui pour parler à vos cendres
Se met jamais à genoux

 


Vous êtes comme une brique
Par grand vent tombée du toit
Vous qui cherchiez votre Afrique
Dans le soleil de l'Artois

 

 

 

 

 

 

 

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ARAGON

 

 

 

 

 

 

 

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ARAGON, GUERRE 14-18, SOUFFFRANCE, AFRICAINS, AFRIQUE, FRANCE, SOLDAT, INCONNUE

 

10 novembre 2025

ART POETIQUE

 

 

 

 


De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

 


Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.

 


C’est des beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi,
C’est, par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

 


Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !

 


Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !

 


Prends l’éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ?

 


Ô qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?

 


De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.

 


Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.

 

 

 

 

 

 

 

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PAUL VERLAINE

Jadis et Naguère (1885)

 

 

 

 

 

 

 

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PAUL VERLAINE, POESIE, ART POETIQUE, JADIS ET NAGUERE, VERS, RIMES, LITTERATURE

Oeuvre Vincent Courdouan
 

9 novembre 2025

UNE POESIE DE LA MER, LA LONGUE ROUTE DE BERNARD MOITESSIER

8 novembre 2025

SIXIEME ELEGIE DE DUINO....E trait

 

 

 

 

 

 

Depuis longtemps déjà, figuier, je te vois
omettre presque entièrement la floraison,
pressant ton pur secret sans gloire dans le fruit
tôt résolu. Tel le tuyau de la fontaine,
tes rameaux sinueux infléchissent la sève
qui jaillit du sommeil, presque sans s’éveiller,
dans le bonheur du plus doux accomplissement.
Ainsi le dieu pénètre le cygne.

 

 

 


 

 

Mais nous,
nous qui nous attardons, glorieux de fleurir,
sommes trahis avant d’entrer dans notre fruit
final. Peu d’hommes sentent le besoin d’agir

assez fort pour brûler au creuset de leur cœur
tant que la tentation de se laisser fleurir
— air nocturne plus doux — enjôle la jeunesse
de leur bouche et caresse encore leurs paupières :
les héros tout au plus et ceux qui mourront jeunes,
(la mort, grand jardinier, a palissé leurs veines).
Eux, ils foncent et devancent leur propre sourire,
tels les coursiers du char sur les douces images
creuses de Karnak précédant le roi vainqueur.
Étrangement proche des jeunes morts est le héros.
Que lui importe de durer ? Son ascension
est existence ; il s’enlève et, sans cesse,
entre dans les constellations nouvelles du péril
qui le guette partout. Ah ! combien peu l’y suivent !
Mais le destin, muet sur nous, pour lui s’exalte
et comme un chant l’emporte dans l’orage
de son monde bruissant. Car je n’entends personne
autant que lui. Tout à coup me traverse,
avec l’air torrentiel, ce son plein de ténèbres.

 

....

 

 

 

 

 

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RAINER MARIA RILKE

Traduction Maurice Betz

 

 

 

 

 

 

 

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RAINER MARIA RILKE, FIGUIER, IMAGE, VIE, EXISTENCE, HOMMES, COURAGE, DESTIN,

Oeuvre James Tissot

7 novembre 2025

DEUX REGIMES DE FOUS...Extrait

 

 

 

 

 


« Le sionisme, puis l’Etat d’Israël exigeront que les Palestiniens les reconnaissent en droit. Mais lui, l’Etat d’Israël, il ne cessera de nier le fait même d’un peuple palestinien. On ne parlera jamais de Palestiniens, mais d’Arabes de Palestine, comme s’ils s’étaient trouvés là par hasard ou par erreur. Et plus tard, on fera comme si les Palestiniens expulsés venaient du dehors, on ne parlera pas de la première guerre de résistance qu’ils ont menée tout seuls. On en fera les descendants d’Hitler, puisqu’ils ne reconnaissaient pas le droit d’Israël. Mais Israël se réserve le droit de nier leur existence de fait. C’est là que commence une fiction qui devait s’étendre de plus en plus, et peser sur tous ceux qui défendaient la cause palestinienne. Cette fiction, ce pari d’Israël, c’était de faire passer pour antisémites tous ceux qui contesteraient les conditions de fait et les actions de l’Etat sioniste. Cette opération trouve sa source dans la froide politique d’Israël à l’égard des Palestiniens.
Israël n’a jamais caché son but, dès le début : faire le vide dans le territoire palestinien. Et bien mieux, faire comme si le territoire palestinien était vide, destiné depuis toujours aux sionistes.

 

Il s’agissait bien de colonisation, mais pas au sens européen du XIX° siècle : on n’exploiterait pas les habitants du pays, on les ferait partir. Ceux qui resteraient, on n’en ferait pas une main-d'œuvre dépendant du territoire, mais plutôt une main-d'œuvre volante et détachée, comme si c’étaient des immigrés mis en ghetto. Dès le début, c’est l’achat des terres sous la condition qu’elles soient vides d’occupants, ou vidables.

 

C’est un génocide, mais où l’extermination physique reste subordonnée à l’évacuation géographique : n’étant que des Arabes en général, les Palestiniens survivants doivent aller se fondre avec les autres Arabes. L’extermination physique, qu’elle soit ou non confiée à des mercenaires, est parfaitement présente. Mais ce n’est pas un génocide, dit-on, puisqu’elle n’est pas le « but final » : en effet, c’est un moyen parmi d’autres.

 


La complicité des Etats-Unis avec Israël ne vient pas seulement de la puissance d’un lobby sioniste. Elias Sanbar a bien montré comment les Etats-Unis retrouvaient dans Israël un aspect de leur histoire : l’extermination des Indiens, qui, là aussi, ne fut qu’en partie directement physique. il s’agissait de faire le vide, et comme s’il n’y avait jamais eu d’Indiens, sauf dans des ghettos qui en feraient autant d’immigrés du dedans. A beaucoup d’égards, les Palestiniens sont les nouveaux Indiens, les Indiens d’Israël. L’analyse marxiste indique les deux mouvements complémentaires du capitalisme : s’imposer constamment des limites, à l’intérieur desquelles il aménage et exploite son propre système ; repousser toujours plus loin ces limites, les dépasser pour recommencer en plus grand ou en plus intense sa propre fondation. Repousser les limites, c’était l’acte du capitalisme américain, du rêve américain, repris par Israël et le rêve du Grand Israël sur territoire arabe, sur le dos des Arabes. »

 

 

 

 

 

 

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GILLES DELEUZE

1983

 

 

 

 

 

 

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GILLES DELEUZE, PHILOSOPHE, COLONISATION, GENOCIDE, SIONISME, ISRAEL, PALESTINE, PALESTINIENS

Palestine 1910

7 novembre 2025

LA NAISSANCE DU JOUR...Extrait

 

 

 

 

 

L’aube vient.

Il est courant qu’aucun démon ne soutient son approche, sa pâleur, son glissement bleuâtre ; mais on ne parle jamais des démons translucides qui l’apportent amoureusement.
Un bleu d’adieux, étouffé, étalé par le brouillard, pénètre avec des bouffées de brume.
J’ai besoin de peu de sommeil ; la sieste, depuis plusieurs semaines, me suffit.

 


Quand l’envie de dormir me ressaisira, je dormirai d’une manière véhémente et saoulée. Je n’ai qu’à attendre la reprise d’un rythme interrompu pendant quelque temps.
Attendre, attendre…. Cela s’apprend à la bonne école, où s’enseigne aussi la grande élégance des mœurs, le chic suprême du savoir-décliner…

 

 

 

 

 

 

 

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COLETTTE

 

 

 

 

 

 

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COLETTE? LA NAISSANCE DU JOUR, AUBE, EXISTENCE

 

2 novembre 2025

CONVERSATION

 

 

 

 

 


De même qu’ils ne se savent pas morts
depuis longtemps
les vivants ignorent même
ce qui vit.

 


Et, comme toujours,
alors que retentit le pas fracassant des statues,
ce qui vit arrive,
se tient déjà là
sur des pattes de colombe,
te regarde par l’œil animal des enfants.
Les yeux des enfants –
combien de fois cherchas-tu
à leur échapper,
et combien de fois
en vain.

 

 


Les pattes des colombes –
qui donc s’obstine, sans cesse,
à les tremper dans du sang ?
Écouter le grondement des colosses
et entendre
Le vol des plumes.

 

 

 

 

 

 

.

 

 

 

 

 

 

 

JAN  VLADISLAV

  Traduit du tchèque par Petr Král

 

 

 

 

 

 

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JAN  VLADISLAV, COLOMBES, SANG, ENFANCE, STATUES

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 

 

 

 

 

                                                                                                                               
 

2 novembre 2025

LOGIQUE DU SENS... Extrait

 

 

 

 

 

 

Bien sûr, beaucoup de choses se sont passées, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur : la guerre, le krach financier, un certain vieillissement, la dépression, la maladie, la fuite du talent. Mais tous ces accidents bruyants ont déjà leurs effets sur le coup ; et ils ne seraient pas suffisants par eux-mêmes s’ils ne creusaient, n’approfondissaient quelque chose d’une tout autre nature, et qui, au contraire, n’est révélé par eux qu’à distance et quand il est trop tard : la fêlure silencieuse. « Pourquoi avons-nous perdu la paix, l’amour, la santé, l’un après l’autre ? » Il y avait une fêlure silencieuse, imperceptible, à la surface, unique événement de surface comme suspendu sur soi-même, planant sur soi, survolant son propre champ.

 

La vraie différence n’est pas entre l’intérieur et l’extérieur. La fêlure n’est ni intérieure ni extérieure, elle est à la frontière, insensible, incorporelle, idéelle. […] Tout ce qui arrive de bruyant arrive au bord de la fêlure et ne serait rien sans elle ; inversement, la fêlure ne poursuit son chemin silencieux, ne change sa direction suivant des lignes de moindre résistance, n’étend sa toile que sous le coup de ce qui arrive. Jusqu’au moment où les deux, où le bruit et le silence s’épousent étroitement, continuellement, dans le craquement et l’éclatement de la fin qui signifient maintenant que tout le jeu de la fêlure s’est incarné dans la profondeur du corps, en même temps que le travail de l’intérieur et de l’extérieur en a distendu les bords.

 

 

 

 

 

 

 

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GILLES DELEUZE

A propos de La fêlure de F.S Fitzgerald

Les Editions de Minuit, 1969

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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GILLES DELEUZE, PHILOSOPHIE , FÊLURE, DEPRESSION, MALADIE, SILENCE, DIFFERENCE

Sculpture Kintsugi

 

 


 

1 novembre 2025

JE VEUX DORMIR DU SOMMEIL DES POMMES

 

 

 

 

 

 

Je veux dormir du sommeil des pommes,
et m’éloigner du tumulte des cimetières.
Je veux dormir le sommeil de cet enfant
qui voulait s’arracher le coeur en plein mer.

 


Je ne veux pas que l’on me répète
que les morts ne perdent pas de sang ;
que la bouche demande encore de l’eau.

 


Je ne veux rien savoir des martyres que donnent l’herbe,
ni de la lune avec sa bouche de serpent,
qui travaille que l’aube naisse.

 


Je veux dormir un instant,
un instant, une minute, un siècle ;
mais que tous sachent bien que je ne suis pas mort;
qu’il y a sur mes lèvres une étable d’or ;
que je suis le petit ami du vent d’ouest ;
que je suis l’ombre immense de mes larmes.

 


Couvre-moi d’un voile dans l’aurore
car elle me lancera des poignées de fourmis,
et mouille d’une eau dure mes souliers
afin que glisse la pince de son scorpion.
Car je veux dormir du sommeil des pommes
pour apprendre un sanglot qui de la terre me nettoie
car je veux vivre avec cet enfant obscur
qui voulait s’arracher le cœur en pleine mer. »

 

 

 

 

 

 

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FEDERICO GARCIA LORCA

1934

 

 

 

 

 

 

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FEDERICO GARCIA LORCA , MER, MORT, SOMMEIL, DEPART, BEAUTE,

Photographie Corsica Go 56
 

1 novembre 2025

CHAQUE MOT RETROUVE... Extrait

 

 

 

 

 

Sur le rythme des nuages 
et de ces trouées de bleu inoubliables 
passant sur nos têtes comme le souvenir 
d'une enfance heureuse,

 


nous nous déplaçons 
sur la grève parfumée d'une lumière 
échappée de la ligne d'horizon 
mais fidèle à la promesse 

 


que nous murmurent le vaste océan 
et ses multiples embruns pourvoyeurs,
en toute saison, de désirs et de songes.

 

 

 

 

 

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BERNARD PERROY
 éd. La Centaurée

 

 

 

 

 

 

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BERNARD PERROY, JEF AEROSOL, ENFANCE, FRATERNITE, OCEAN, COQUILLAGE, SONGES

 

Oeuvre Jef Aérosol

https://www.jefaerosol.com/

30 octobre 2025

UN JOUR, JE L'ATTENDRAI

 

 

 

 

“On rentre à la maison après, hein Maman ? Comme la dernière fois ?” 
La table est froide sous mes pattes.
Elles tremblent.
Je glisse un peu.
L’air sent le métal et le savon. Une odeur étrange, piquante… pas comme à la maison.

 


Je lève la tête vers Maman.
Ses yeux sont rouges. Ses doigts serrent ma patte si fort que ça fait un peu mal, mais je n’ose pas bouger.
Quand j’essaie de lui lécher la main, elle étouffe un sanglot.
La dame en blouse bleue me caresse doucement la tête. Elle sourit… mais c’est un sourire triste.
Celui qu’on fait quand on sait que quelque chose va se briser.
Je voudrais lui demander encore :
“On rentre après, hein Maman ? Comme la dernière fois ?”
La dernière fois, après la piqûre, on est rentrés.
Elle m’a fait du poulet.
On s’est endormis ensemble sur le canapé.
C’était bien.
Je veux juste que ce soit pareil.

 


Mais Maman ne parle pas.
Elle pose son front contre le mien.
Ses larmes tombent sur ma truffe, chaudes, salées, comme la mer.
Je ferme les yeux.
Je respire son odeur une dernière fois.
Celle de la maison, du jardin, du bonheur.
Le monsieur en blouse blanche murmure quelque chose.
Je sens une caresse, puis une petite piqûre.
Rien de méchant.
Juste une chaleur douce qui monte, qui m’enveloppe.
Mes douleurs s’en vont.
Mon souffle devient léger.
Je flotte presque.

 


Maman chuchote d’une voix brisée :
“Je t’aime, mon bébé…”
Et moi, dans ma tête, je lui réponds :
“Je t’aime plus. Je t’aimerai toujours.”
Mes paupières se ferment. Tout devient noir.
Puis… tout devient lumière.
Je me lève.
Mes pattes sont solides. Mon cœur est fort.
Le monde est beau, doré, paisible.
Je me vois sur la table, endormi.
Maman pleure dans mon pelage.
Je veux courir vers elle, lui dire que ça va, que je ne souffre plus.
Mais une voix douce me chuchote :
“Viens, petit. Il est temps.”

 


Alors je regarde Maman une dernière fois.
Je frotte doucement ma tête invisible contre sa joue.
Elle frissonne. Elle a senti.

 


Et je pars.
La queue qui bat, le vent dans les oreilles.
Vers un champ infini, baigné de lumière.
Je sais qu’un jour, elle viendra.
Et ce jour-là, je l’attendrai.
Balle dans la gueule.
Prêt à jouer. 

 

 

 

 

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AUTEUR INCONNU

 

 

 

 

 

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Fillette 1992 -2003

Fillette 1992 -2003

Rémus 2000 - 2012

Rémus 2000 - 2012

Artaban 2003-2020

Artaban 2003-2020

Toby 2008- 2022

Toby 2008- 2022

Natcho 2024, adopté le 4 octobre 2024, à 8 semaines

Natcho 2024, adopté le 4 octobre 2024, à 8 semaines

29 octobre 2025

PATRICK ACOGNY....Extraits

 

 

 

 

 

 

La lenteur, encore
Il y a eu, dans la danse contemporaine, une période où la lenteur dominait. On y voyait un refus du spectaculaire, une résistance à la vitesse du monde. Le corps ralentissait pour penser autrement, pour faire sentir le poids du temps, du silence, de la gravité.
Le buto japonais en est l’un des exemples les plus puissants : une lenteur métaphysique, tournée vers la mort, la disparition, l’ombre.
Dans les danses africaines, la lenteur est d’une autre nature. Elle ne nie pas la vie, elle la prépare. C’est le temps du griot avant le rythme, du souffle 
avant la frappe. Elle écoute le sol, mesure l’espace, rassemble la force. Quand le corps africain ralentit, ce n’est pas pour s’effacer mais pour charger le mouvement à venir. La lenteur y est germination, pas crépuscule.

 

 

Dans la continuité de la lenteur, le silence apparaît comme un espace d’apprentissage du corps. Non pas une absence de son, mais une densité perceptible où le mouvement se suspend pour mieux s’écouter. Le danseur y entre comme on entre dans une autre temporalité : le souffle devient mesure, la peau devient oreille, la colonne vertébrale capte les vibrations de l’air et du sol.
Le silence agit alors comme un révélateur. Il déploie les micro-sons du vivant : la friction des articulations, le frottement des pieds, le passage de l’air entre deux respirations. Ce qui semblait vide devient habité. L’écoute prend la place du geste.

 


Dans de nombreuses traditions africaines, ce silence précède la frappe du tambour : il marque l’instant où le danseur s’accorde au sol, où les forces invisibles s’alignent avant le premier rythme. Ce n’est pas une attente, mais une mémoire en suspension.
Dans la pédagogie du mouvement, travailler le silence revient à travailler la présence. Il apprend à habiter le temps, à partager un espace sans le remplir. Le silence devient ainsi un champ d’expérience : un lieu de savoir corporel, où le geste se forme avant même d’exister.

 

 


...

 

 


Dans les danses africaines, la colonne vertébrale n’est pas qu’un axe anatomique. Elle est un centre d’intelligence, une mémoire verticale, un lieu de passage entre terre et ciel.
Germaine Acogny la nomme le serpent de vie. Cette image ne relève pas de la métaphore mais d’une expérience. Elle désigne la mobilité ondulatoire qui traverse le corps du bassin à la tête, cette énergie continue qui relie souffle, regard et mouvement. Dans les traditions africaines, ce mouvement n’est pas décoratif : il est le langage même du corps. Chaque vertèbre devient un point d’inscription, où se déposent les traces du vécu, les gestes du quotidien, les émotions héritées des anciens.

 


Ainsi, la colonne vertébrale devient un instrument de connaissance. Elle relie la conscience au souffle, le geste à la pensée. Dans mon travail, cette verticalité vivante fonde une véritable pédagogie somatique : connaître par le mouvement, penser avec le corps.

 


Ce rapport spiralé à la verticalité s’oppose à la conception occidentale du redressement comme lutte contre la gravité. Ici, il ne s’agit pas de s’élever, mais de dialoguer avec le sol, d’accueillir la gravité comme partenaire, pour mieux respirer le monde.
Danser devient alors un acte de mémoire. Se redresser, un geste de relation. Ouvrir le dos, une manière de laisser passer la mémoire du monde.

 

 


...

 

 

 

Dans les danses africaines, le sol n’est pas un simple support : il est source, mémoire et interlocuteur. Chaque contact engage un dialogue entre gravité, histoire et énergie. Travailler avec le sol, c’est accepter le poids du corps et celui du monde.

 


Sur le plan technique, cette relation fonde une pédagogie de l’ancrage : les genoux fléchis, la colonne mobile, le centre disponible. Le danseur ne lutte pas contre la gravité, il compose avec elle. Le mouvement naît du transfert du poids, du rebond, du souffle qui traverse la plante des pieds.

 


Mais ce rapport est aussi historique et symbolique. Dans beaucoup de traditions africaines, le sol relie aux ancêtres et aux communautés ; il garde trace des routes, des rites, des résistances. En se ré-ancrant, le danseur inscrit son corps dans une mémoire qui dépasse l’individu, une manière de réaffirmer sa présence au monde face aux héritages de déracinement. 

 


En pédagogie, cet apprentissage développe à la fois une intelligence sensorielle, écouter la texture, la température, la résonance du sol, et une conscience critique : comprendre comment chaque espace de danse rejoue des rapports de pouvoir, de lieu et d’appartenance.

 

 

 

 

 

 

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PATRICK ACOGNY

 

 

 

 

 

 

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PATRICK ACOGNY, GERMAINE ACOGNY, DANSE, AFRIQUE, MEMOIRE, RACINES, ANCRAGE, LENTEUR

 

29 octobre 2025

REQUIEM, POEME SANS HEROS &AUTRES POEMES....Extrait

 

 

 

 

... et je me suis retirée ici de tout,
De toute espèce de bien terrestre,
C'est une souche dans la forêt
Qui est l'esprit, le protecteur de "ces lieux".
Dans cette vie nous sommes tous en visite ;
Vivre, c'est tout juste une habitude.
Sur les chemins de l'air je crois entendre
Deux voix qui s'appellent l'une l'autre.
Deux ? Mais près du mur de l'est,
Dans les buissons de robuste framboise,
Sombre, une branche fraîche de sureau...
C'est une lettre de Marina.

 

...



J’ai reconduit l’ami jusqu’à l’entrée ;
Je suis restée debout dans la poussière d’or.
Un petit clocher dans le voisinage
Egrenait des sons graves.
Il me laisse choir ! Mot mal choisi.
Suis-je une fleur ? Une lettre ?
Mes yeux déjà ont un regard farouche
Dans le miroir qui s’obscurcit.

 

 

...



Se réveiller à l’aurore
Parce que la joie est trop forte,
Regarder par le hublot
Comme l’eau est verte,
Monter sur le pont – Le temps est gris –
Enveloppée de fourrures duveteuses,
Ecouter le bruit de la machine,
Et ne penser à rien,
Mais, sachant que je vais revoir
Celui qui est devenu mon étoile,
Me retrouver, dans la brise et les embruns,
A chaque instant plus jeune.

 

 

 

 

 

 

 

.

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNA AKHMATOVA

(1889~1966)

 

 

 

 

 

 

 

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ANNA AKHMATOVA, RUSSIE, VOYAGE, NATURE, SENTIMENTS, SILENCE, ISOLEMENT


 

28 octobre 2025

THIERRY MATHIASIN....Extrait

 

 

 

 

 

Les mots ont-ils encore une bouche quand les images s'essoufflent dans les yeux du mort, 
la terre s'est effondrée dans l'ombre osseuse des cris ? 

 


Que devient la poussière des ruines dans l'indécence des joies, le plan funeste des croque-morts ?
Le butin comptable des plaies ouvertes dans le confort vacillant des pathétiques vainqueurs 
Je pleure comme un enfant serrant contre sa poitrine un oiseau de cendre, parmi toute la mer compressée des décombres, insoutenable souffrance des visages réduits à des chiffres dans les petits papiers des sanguinaires.

 


Une immense prison se partageant entre des lambeaux de ciel et une frontière gorgée de râles, des corps amaigris, fatigués, brisés,  tremblant sur le chemin d'un tragique retour.
De quelle liberté parle-t-on quand la captivité se vit en fragilité cruelle, dressant partout ses barreaux, l'espoir cherche désespérément à se vêtir de ce qui reste des maisons ? 

 


Sur une colline comme un seuil souillé de sang des bouches pavoisent de leur liesse salivaire, dévisageant la désolation du haut de leur suffisance, louant le dieu de leur permis de tuer sans trêve.
De quelle contorsion la paix se défait de son obscénité, le déni erre de son air hautain, harnaché de ses alliés au-dessus des rues éventrées où respire encore l'esprit de ceux qui n'ont pas fini de vous hanter dans les fissures arrogantes de votre quotidien ? 
Les mots se gargarisent de leurs accents maudits dans vos télévisions de massacres capitonnés, où vous allez devenir le fantôme de vos putassiers audimats, l'éthique nauséabonde de vos lâchetés.
Les images se déparent de leur apparat, sommant le poète à prendre à bras-le-corps la matière vivante de l'humain sans aucune assignation à une quelconque idéologie, la part résiduelle de ce qui à encore un visage pour vous jeter à la gueule ce qui saigne quand vous dansez, ce qui vibre à bout de souffle sous l'éclat de vos putrides consciences.

 


Tout ce qui est tombé de l'humain ne fera pas les beaux jours de vos tours d'ivoire, ni le Trump Tower de vos débilités ascensionelles, 
tout viendra des racines torrentielles, déloger même dans vos chambres à coucher le miroir où vous admirez vos bassesses, la stature de vos rêves de nantis.

 


Plus rien ne sera comme avant, même si cet avant n'a jamais été véritablement une avancée, mais les prémices d'une régression criante qui masquent des leurres séculaires parce que érigés sur le mépris, le  viol, la spoliation, l'annexion, le blocus, les affres d'une démolition volontaire, les formes multiples, mortifères du colonialisme.

 


Continuez à amuser le monde de vos pléthores  de petits coincés du froc, de la bave blafarde de vos ors, vos cortèges de scélérats qui ne jurent que par la chienlit distillée en petits cachetons pour les crédules.


De quelle amnésie vous serez les descendants, à grand coup de pommade civilisationelle, de prières laudatives sur vos trophées de crânes, de l'engeance à tête trouée de vos commerces avec ce qu'il a de plus vil, de plus pourri, soutenant maladivement votre propension à faire de la mort un diadème au fronton d'une humanité dont vous avez tronquer la valeur, mais incroyablement inviolable entre les griffes de vos vices ?
D'un bout du monde où j'arpente un rivage qui est la somme de tous les rivages, parce que la mer ne raconte rien d'autre que le récit des vies arrachées à leur terre, qui ont fécondées, féconderont malgré tout des hommes, des femmes debout dans le soleil, celui dont vos yeux ne connaîtront jamais l'éclat, ni les contours nés au-dessus d'un volcan, indomptable dans sa soif, intransigeante dans ses circonvolutions, insondable dans ses desseins 

 

 

 

 

 

 

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THIERRY MATHIASIN

 

 

 

 

 

 

 

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THIERRY MATHIASIN, REVOLTE, MEMOIRE, APOSTROPHE, COLONIALISME , COLONIALISTE

France Brel Photography

https://francebrelphotography.myportfolio.com/work

26 octobre 2025

HARMONIE DES SEDIMENTS... Extrait

 

 

 

 



Le plus douloureux
Était d’attendre le greffon

 


J’ai reçu une greffe
De verbe

 


Je cicatrise chaque jour
Par l’écriture

 


Les mots
La douleur :

 


Les seules choses
Qui soient tangibles

 

 

 

 

 

 

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© PATRICK CHEMIN

 

 

 

 

 

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PATRICK CHEMIN, GREFFE, MOTS, DOULEUR, ECRITURE

 

Oeuvre Jacques Yankle

26 octobre 2025

BERNARD PERROY.... Extrait

 

 

 

 

Que c'est dur
d'accorder son cœur 
au temps qui passe
aux manques multiples 
et multicolores
aux noms revenus 
et qui reviennent sans cesse
d'amis morts
et d'autres encore
les emputés du cœur 
comme les nommait
l'ami Jacques 
mais tout s'apprend
se désapprend 
pour vivre encore
en apprenti perpétuel 
de l'amour et du cœur 
sous toutes ses formes ....

 

 

 

 

 

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BERNARD PERROY

 

 

 

 

 

 

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BERNARD PERROY, AMOUR, COEUR, MANQUE, AMITIE, TEMPS, MEMOIRE

Oeuvre  Matsubayashi Keigetsu

26 octobre 2025

 

 

 

 

 

Le temps de...
tant de rivières,
de rides,
de rifts,

 


Le temps de...
tant de brisures, 
de cicatrices,
de cris étouffés,

 


Le temps de...
tant de battements de coeur,
de pas,
d'empreintes,
d'effacements,

 


Le temps de...
tant de lettres escarpées,
de mots errants,
de ratures à relire,

 


Le temps de...
tant de souvenirs,
d'oublis en mémoire plombée,
de silences sur le bout de la langue,

 


Le temps de...
Tant de --
 manque.

 

 

 

 

 

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ANNE MARGUERITE MILLELIRI

 

 

 

 

 

 

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ANNE MARGUERITE MILLELIRI, TEMPS, EXISTENCE, EPREUVES, MEMOIRE, SILENCES, MANQUE

 

Photographie Nikos Aliagas

26 octobre 2025

DOWN BY THE BRAZOS ( 1965 LOST STAX SESSIONS )

EMMILA GITANA
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