LE MASQUE FUNEBRE
"Il était un homme, une fois, qui n'ayant plus faim, plus jamais faim, tant il avait dévoré d'héritages, englouti d'aliments, appauvri son prochain, trouva sa table vide, son lit désert, sa femme grosse, et la terre mauvaise dans le champ de son coeur.
N'ayant pas de tombeau et se voulant en vie, n'ayant rien à donner et moins à recevoir, les objets le fuyant, les bêtes lui mentant, il vola la famine et s'en fit une assiette qui devint son miroir et sa propre déroute."
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RENÉ CHAR
Les Matinaux (1947-1949), Le consentement tacite.
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MATHIEU BENEZET...Extrait
...
Nourriture de la Nuit
Le lait de l’œil est une
chose qui commence
comme la parole humaine
elle douceurt je douceurs
dans l’ouverture d’amour
des mots
cette femme qui crie est
ma mère ensevelie
déchirure du style
le vent s’engouffre dans le vide
qui naît
va mon cœur puisque
le ventre est assassiné
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MATHIEU BENEZET
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CORINNE GRANDEMANGE ...Extrait
La grâce du lendemain devrait graver des reflets d’argents dans le coeur. De ces scintillements définitifs que la mémoire n’oublie jamais et qui nous incombe en devenir.
La légèreté de l’innocence à qui nous décidons de donner vie, et qui court dans l’émerveillement vers demain, pourrait à elle seule, élever nos consciences sur la belle responsabilité que nous portons au creux de la psyché, chacun pour tous, tous pour chacun.
Mais l’être est ainsi fait, qu’il perd sa généreuse humanité en grandissant, oubliant qu’il n’est pas seul sur cette terre qui nous alerte, occultant les misères à perte, de contrées parce qu’elles sont lointaines, abandonnant même la conscience d’un idéal à transmettre.
Et pourtant, la grâce du lendemain devrait graver des reflets d’argents, pas ceux du flouze, du métal blanc, du papier sale ou du pognon, mais ceux de l’espèce dont nous sommes,comme seule éthique à ensemencer, dans la mémoire vacillante de nos enfants encore humains.
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CORINNE GRANDEMANGE
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PRESSEE DE VIVRE ... Extrait
Parfois les lettres chantent
dans mes poèmes
parfois elles accusent
ou elles consolent
Des images se brisent
se refont
rêves qui nous rêvent
transformant nos yeux
en lacs secrets
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ANISE KOLTZ
Editions Arfuyen
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Oeuvre Lorena Kloosterboer
DE L’AFFECTION ET PUIS S’EN VONT
Je caresse le chien assis sur le perron.
Je caresse le matin, le bourdon, le liseron.
Je caresse le ciel légèrement plus grisonnant grâce au nuage de pollution.
Et puis les rumeurs des camions sur le goudron.
Je caresse la suffisance, l’orgueil et la méchanceté.
Et puis la poussière dans les yeux sans larmes des survivants.
Et puis la brûlante détresse sous la peau de ceux qui ne sont pas aimés.
Je caresse l’abnégation des malades recommençant à se battre.
Et cette incessante succession de secondes
qui nous enfonce son miraculeux grignotement dans les synapses.
Je caresse l’ombre qui meurt et la larve qui possède l’insecte,
vous savez ces insectes zombis,
grignotés et dirigés de l’intérieur comme des robots qui souffrent par un parasite.
Je caresse la mélancolie du surfeur d’argent solitaire à jamais perdu dans l’espace et le temps.
Et celle du coiffeur de Donald Trump,
et celle du majordome de Poutine,
et celle du tailleur de Kim Jong-Un,
et celle du kiné de Bolsonaro.
Je caresse la lasse fatigue de l’homme qui entre en premier dans l’entrepôt
accompagné des grésillements successifs des néons qui s’allument par dizaines.
Je caresse le soupir premier de la gardienne de prison et le gémissement dernier du prisonnier.
Je caresse le beurre qui fond près de la montagne de nourriture
pourrissant au soleil des affamés.
Je caresse le joli silence argenté de la mer
venant tout juste d’engloutir une famille entière.
Je caresse la mort dans le sens des os et le dos courbé des mots
et l’idée de ce qu’il faudrait faire que je ne ferai pas.
Une caresse une petite caresse.
Une petite caresse et c’est bon.
Allez, laissez-moi maintenant.
Le vent ne souffle pas encore et je dois essayer de vivre.
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THOMAS VINAU
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Artiste inconnu
LES MEMOIRES D'OUTRE-TOMBE ... Extrait
" Autour de la grive.
En arabe سُمْنَة, en Tunisie, elle est dite ترد, du latin trudus.
En littérature, elle convoque ce passage de Chateaubriant sur le souvenir.
A rapprocher de la madeleine de Proust ... "
Jalel El-Gharbi
" Hier au soir je me promenais seul ; le ciel ressemblait à un ciel d’automne ; un vent froid soufflait par intervalles. A la percée d’un fourré, je m’arrêtai pour regarder le soleil : il s’enfonçait dans des nuages au-dessus de la tour d’Alluye, d’où Gabrielle, habitante de cette tour, avait vu comme moi le soleil se coucher il y a deux cents ans. Que sont devenus Henri et Gabrielle ? Ce que je serai devenu quand ces Mémoires seront publiés.
Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d’une grive perchée sur la plus haute branche d’un bouleau. A l’instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel ; j’oubliai les catastrophes dont je venais d’être le témoin, et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où j’entendis si souvent siffler la grive. Quand je l’écoutais alors, j’étais triste de même qu’aujourd’hui ; mais cette première tristesse était celle qui naît d’un désir vague de bonheur, lorsqu’on est sans expérience ; la tristesse que j’éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l’oiseau dans les bois de Combourg m’entretenait d’une félicité que je croyais atteindre ; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable.
Je n’ai plus rien à apprendre ; j’ai marché plus vite qu’un autre, et j’ai fait le tour de la vie. Les heures fuient et m’entraînent ; je n’ai pas même la certitude de pouvoir achever ces Mémoires. Dans combien de lieux ai-je déjà commencé à les écrire, et dans quel lieu les finirai-je ? Combien de temps me promènerai-je au bord des bois ? Mettons à profit le peu d’instants qui me restent ; hâtons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que j’y touche encore : le navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchanté, écrit son journal à la vue de la terre qui s’éloigne, et qui va bientôt disparaître. "
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CHATEAUBRIAND
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Oeuvre Daria Pertilli
PARTIR VERS LA MAISON DE MES MAINS
Il n’y a que des pas. Des pas derrière moi.
En reste
Ici, dans l’argile encore fraîche qui m’a lié au chemin.
Mais souvent ce mot va au feu.
Très loin dans la chaleur.
Dans ma voix il durcit.
Alors dans l’achèvement il n’est plus qu’une tuile.
Il couvre. Il préserve. Il protège. D’un autre feu.
Plus froid.
Je ne vis qu’en ce que j’ai à écrire.
Ou, différé par mon silence : habiter.
Là où je ne resterai pas.
Quelques pas hors de moi.
Jusqu’à toucher la haie.
En sortir.
Pour avancer
alors il me faut, comme si je ne voyais pas, toucher ma voix,
lui chercher une porte ou de l’herbe.
Lui faire dire ce que je cherche.
Maintenant.
Ainsi ce n’est pas de l’ombre que je recueille mais l’herbe.
Puis le nuage
ou le hêtre.
Avec ça je me fais une corde.
Je suis dans mes mots.
Jusqu’à l’écriture.
J’appartiens à ce qui est dit, au chemin.
Alors je peux charger le jour sur mon épaule et monter.
Et partir.
Vers la maison de mes mains.
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THIERRY METZ
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Oeuvre Goffroy Dechaume
DES MATINS MORTS COMME DES LINCEULS....
Des matins morts comme des linceuls
où des racines étirent le poids des cris,
la mer est revenue chargée de corps criblés
de larmes, avec pour seul souvenir, l'écume
des rivages souillés
Des oiseaux de poussière ne volent que dans le périmètre des blessures, regardant d'un œil vengeur l'envergure prétentieuse des drones, dévisageant la lâcheté d'un ciel qui se prend pour le visage d'une terre promise
Des enfants ont vieilli de voir leur terrain de jeu brisé sous les bottes d'une meute sanguinaire, brandissant sourire aux lèvres des cahiers d'écoliers triturés de dessins, de tâches de rêves flanqués d'un pâle soleil
L'olivier coincé parmi les lopins étranglés, où poussent encore les jours qui n'ont pas rendu les armes, s'abreuvent au long tunnel veineux de la résistance, pour que des lendemains chantent à la lumière des sèves reconquises
La grosse protubérance sous les étoiles où festoient les illuminés d'une cause perdue, dansants hilares sur leur propre peur avec tous les apparats de la bonne conscience, celle couronnée par le déni, l'impardonnable confort
Les trottoirs du monde sont jonchés de gravats où l'on se demande qui peut encore faire la pute quand la putasserie à déjà dépassé toutes les attentes, la barbarie à épuiser toutes ses passes, les bourreaux jouissent de propagande, pathétiques dans leurs râles de chiens assouvis
L'horizon en faction, attend de pieds fermes la satanée érection du grand hôtel, l'invasion des transats, le bronzage morbide de l'Occident doré aux vies détruites, à ses farnientes pourries, la tranquillité bestiale de ses phantasmes de sable doré
Vous allez dire Open bar, narguant la mer de vos amusements maladifs, le cocktail de vos sales miroirs de nantis, de protégés, dégoulinant du sang versé, avec vos sirènes de dollars tonitruants sans penser que sous le sable la terre peut trembler pour rafraîchir vos petits cervelles de reptiles touristiques
Juste des bateaux en papier pour acclamer le retour des enfants, du ciel, de la mer et du soleil, noyer dans les profondeurs du siècle le blocus de vos mensonges, les contours colonialistes de votre prophétie, l'obscénité messianique de vos crimes de guerre, la haine viscérale de l'humain
Des matins morts, les nuits n'ont pas fini d'arracher dans les décombres, le souffle révolutionnaire des jours meilleurs, les germes d'un monde non débarrassé de votre pays, pour que vous ayez la mémoire de toutes les morts jusqu'à votre dernière pensée au bord de ce qui vous reste d'humanité
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THIERRY MATHIASIN
https://www.facebook.com/thierry.mathiasin
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Catastrophe humanitaire et écologique à Gaza
REPONSE DE STEPHANE MERCURIO A LA MINISTRE DE LA CULTUE
EROTAS
I
Éros
l’archipel
et la proue de l’écume
et les mouettes de leurs rêves
Hissé sur le plus haut mat
le marin fait flotter un chant
Éros
son chant
et les horizons de ses voyages
et l’écho de sa nostalgie
sur le rocher le plus mouillé la fiancée
attend un bateau
Éros
son bateau
Et la douce nonchalance de son vent d’été
et le grand foc de son espoir
sur la plus légère ondulation une île se berce
le retour.
II
Les eaux joueuses
les traversées ombreuses
disent l’aube avec ses baisers
qui commence
horizon –
Et la sauvage colombe
fait vibrer un son dans sa caverne
bleu éveil dans le puits
du jour
soleil –
Le noroît offre la voile
à la mer
caresses de chevelure
pour ses rêves insouciants
rosée –
Vague dans la lumière
à nouveau donne renaissance aux yeux
Là où la vie cingle vers le large
Vie
vu du lointain –
III
La Mer fait glisser ses baisers sur le sable caressé – Éros
la mouette offre à l’horizon
sa liberté bleue
Viennent les vagues écumantes
questionnant sans trêve l’oreille des coquillages
Qui a pris la jeune fille blonde et bronzée ?
la brise de la mer avec son souffle transparent
fait pencher la voile du rêve
Tout au loin
Éros murmure sa promesse – Mer qui glisse.
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ODYSSEAS ELYTIS
Traduction- adaptation par Gil Pressnitzer " Esprits Nomades "
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Photographie Marie Joubert
DE TOI J'AI PARLE / GHIA SENA EHO MILISSI
De toi j'ai parlé en des temps anciens
A des sages nourrices et d'anciens maquisards
D'où tiens tu cette mélancolie de fauve
Cette lueur d'eau frémissante sur ton visage
Et pourquoi me faut-il toujours revenir auprès de toi
Moi qui ne veut pas d'amour
Qui ne désire que le vent et le galop
de la haute mer
(...)
Et de toi personne n'avait entendu parler
(...)
De toi, moi seul ou peut-être la musique
Que je chasse au dedans mais qui revient toujours
plus forte
De toi la poitrine à peine née de la fillette de
douze ans
tournée vers l'avenir avec son cratère rouge
De toi cette odeur amère comme l'aiguille
qui trouve le corps et troue la mémoire
et fait surgir
la terre, les colombes et notre antique pays.
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ODYSSEAS ELYTIS
in "Le Monogramme"
Traduction Angélique Ionatos
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Odysseas Elytis
LEGENDE
Deux amants sont devenus arbres
Pour avoir oublié le temps
Leurs pieds ont poussé dans la terre
Leurs bras sont devenus des branches
Toutes ces graines qui s'envolent
Ce sont leurs pensées emmêlées
La pluie ni le vent ni le gel
Ne pourront pas les séparer
Ils ne forment qu'un seul tronc
Dur et veiné comme du marbre
Et sur leurs bouches réunies
Le chèvrefeuille a fait son nid.
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MARCEL BEALU
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YANNICK BOVAY... Extrait
Ici, la mer s’ouvre comme une plaie bleue sur la chair du monde,
Et la roche, fauve et rêche, gémit sous l’éclat du silence.
Le sentier court, haletant, entre les ronces d’un maquis fiévreux,
Où chaque feuille semble avoir bu la lumière jusqu’à la transe.
Le ciel se penche — complice — sur cette crique dormante,
Et l’eau, turquoise alchimie, fond les songes dans son miroir.
Ô Corse ! terre de feu, d’écorce et de murmures,
Te voilà nue, sauvage, offerte comme un vers oublié.
Là, le regard s’égare, ivre, dans l’aquarelle vivante
D’un monde sans frontières, ni cris, ni heure.
Tout s’efface, sauf ce vertige paisible,
Et l’éternité s’écrit ici — en bleu.
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YANNICK BOVAY
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Photographie Yannick Bovay
PATMOS ET AUTRES POEMES ... Extrait
Tu aimes ce grand vent accouplé à la mer
jailli de nulle part il occupe d'un bond le présent
fouille la racine des eaux, des arbres,
puis rompt les amarres de la vieille maison -
et les rochers tremblent sous le fracas des eaux -
celui qui cherchait à entendre sa musique
dans le poème vidé de ses mots
le vent pour pensée, déjà si loin en mer,
contemplait ces forces, ces dieux anciens
qui détruisent sans colère ni haine -
et voici un souffle qui passe
entre la crête d'une vague et une aile -
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LORAND GASPAR
Patmos et autres poèmes
Poésie/Gallimard
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Photographie yannick Bovay
VISION ET PRIERE... Extrait
N'étant que des hommes nous marchions dans
les arbres
Effrayés, abandonnant nos syllabes à leur
douceur
De peur d'éveiller les freux,
De peur d'arriver sans bruit dans un monde
d'ailes et de cris.
Enfants nous nous serions penchés
Pour attraper les freux endormis, sans briser de
brindilles,
Et après une douce ascension,
Elevant nos têtes au-dessus des branches
Nous nous serions émerveillés des étoiles
inaltérables.
Loin de la confusion, telle est la voie
Tel est le prodige que l'homme sait
Loin du chaos parviendrait la joie.
Cela est la beauté, disions-nous,
Enfants émerveillés par les étoiles,
Cela est le but, cela est le terme.
N'étant que des hommes, nous marchions
dans les arbres
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DYLAN THOMAS
Traduction d'Alain Suied
Gallimard, coll. Poésie.
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ELOGES DES VOLEURS DE FEU... Extrait
Cet Eloge s'imposa il y a bien longtemps. J'avais seize ans, et toi mon frère dix-huit, quand nous marchions dans les rues de New York à l'heure où le soleil couchant éclaboussait les tours. Tu scrutais le paysage, les visages blafards à six heures, la fumée qui jaillissait partout, luttant contre les ombres. Je compris que, hors de ce quotidien aveugle et sourd, il te fallait des mots, comme des ballons de couleur, pour toucher au cœur. Des mots de ces fous, qui s'en sont allés quérir au fond du désespoir la lueur qui ouvre le chemin, la passion qui fait sauter les verrous de la langue. Des mois durant ils agrandirent la vie.
Toi parti, il me restait ce devoir de l'aînesse : dire après la catastrophe, apprivoiser la parole pour les enfants de la peine. Oui, la poésie, pour vivre encore.
Contre le naufrage de la mémoire, contre les forces vaines, choisissons le combat qui grandit. Et partageons les mots de Rimbaud, d'Artaud ou de Duprey, de tous ces voleurs de feu qui allumèrent les brasiers de l'âme, pour ne bâtir d'autre empire qu'à l'intérieur de soi.
Tourne et craque la terre dans l'obscur mystère où se débattent voix et masques, victimes et bourreaux ! Derrière l'urgence de chaque jour, je rêve d'une parole qui défriche, d'une parole qui sauve. Alors cet ouvrage, pour refuser la fatalité et le vertige, pour exorciser la peur qui crie au fond de nous !
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DOMINIQUE DE VILLEPIN
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Oeuvre Zao Wou-Ki
L'OUBLI DU BLEU
C’est bien une histoire de ciel
que nous raconte le bleuet
-comme la bourrache aux abeilles-,
celle d’un ciel déjà perdu
tout au fond d’un regard qui garde
quelques profils, quelques contours,
quelques couleurs, sans leurs nuances,
d’un monde que le temps dévore.
Notre enfance qui s’écrivait
en hallucinations splendides
va s’effacer lettre après lettre.
Dans la frénésie des termites
les images du manuscrit
deviennent lentement poussières.
Ses lacunes sont des abîmes
au fond desquels on désespère
de simplement apercevoir
le dernier vers de l’élégie.
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RAYMOND FARINA
Poète français, né en 1940
Extrait de La gloire des poussières, Alcyone
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Anonyme ?