FACE CACHEE
On l'appréhende, comme la face cachée de la Lune, un conte et ses mystères ! Elle interroge et dépayse au premier regard.
Île verte, oblongue, antan habitée par deux Gardiens de Phare. D'envoûtants synclinaux et anticlinaux plongent dans l'azur dense et mouvant leurs sinusoïdes, un métamorphisme particulièrement marqué. Vertigineux abrupts. Le schiste vert et le flot turquin de Ligurie ondoient au diapason de la mer du vent, de l'entredeux îles houleux, ponctué d'albédos.
Je me suis tour à tour approché de ses deux extrémités et, à chaque fois, demandé ce que j'allai trouver sous le vent, au- delà de ce rostre minéral fendant les flots radieux de la mer de Toscane, des vastités balayées, emmenées par un puissant Libecciu hâlant le Sud - Ouest de la zone marine
!
Allai-je m'engager, tenter la courte et périlleuse circumnavigation, risquer les dangers des outres antiques que la terre des caps et des vallons de l'extrême pointe de l'Île de Corse exacerbent en canalisant le redoutable flux catabatique *** des montagnes !
*** Catabatique / Se dit d'un vent à composante verticale qui descend.
Je vis et vécus, un jour durant, une traversée entre deux mondes, une échappée aux tourbillons de neige fous ...
Quelle tentation ! tel un appel irrépressible, un chant de sirène qui charme obstinément le marin des légendes livré aux longs et lointains périples !
Quête d'aventures, d'imprévus, de confrontations immédiates et soudaines laissant supposer qu'il faille impérativement surmonter les obstacles, une possible avarie, une blessure, un malaise soudain ...
Vivre, ne serait - ce qu'un instant, emprunter l'œuvre des étendues marines, s'y confondre entre figements et perpétuelles ondes, en tutoyer la lumière, la précieuse luminance !
Rendu aux pieds de l'Île Verte, la tour et le phare touchent le ciel, culminent droit dans le soleil. Profonde oscillation que l'on doit à " l'infiniment petit ", à la probable fortune de mer. La Grande Bleue gronde, tonne et cogne bruyamment la roche en s'engouffrant dans de larges cavités logées en surface ; ligne de flottaison, liseré blanc, aura que l'on pensait immuables, de la proue à la poupe du vaisseau Giraglia.
Une longue traînée d'écume pointe Capraïa. Guise de sillage ... L'étrave fend les vagues : brise lames, a Giraglia fascine, vogue, vire de bord quand le Libecciu rompt à la Tramuntana, depuis la terre, au-delà du large goulet. Guise de Horn par violente tempête et fort coup de vent dominant ...
Ainsi d'en écrire le souvenir, délivrant dès lors ma souvenance de mille détails. Revivre d'intenses et d'émouvants moments : engagés, " existant - ciels ", mon " Eau-Delà " !
Je navigue et plane à grande vitesse, passe par toutes les allures, vire de bord, empanne, me recadre, n'accordant jamais au Libecciu l'opportunité de me repousser hors des limites du couloir, de subir la véhémence des éléments : exaltation, légèreté, imprégnation, magie d'un vécu unique ! La petite voile de gros temps faseye et claque violemment.
Mais qu'en est - il de la face cachée de l'Île, par gros temps, de ces rares abris juchés contre ses flancs et ses verticales, comment s'y raccrocher
?
Une âme à terre veille et photographie à mains levées. Fortes bourrasques, brusques revolins : le relief en impose, règne. Rumeur assourdissante ! le grondement des vagues bat les rivages et les tombants qui égarent un à un leur écho.
Certains blocs de schiste vert ont été sculptés par l'action conjuguée du temps, du sel, des embruns, des violentes rafales. Involutions métamorphiques parfois fantasques ... La pleine nature ose, défie, crie, étonne, crée, imagine l'impensable et nous le livre aux détours d'une surprise, d'une découverte, d'une anse où fleurissent des lames sublimes serties de crocs pétrés.
La poésie flue comme larmes de source, accords de harpe, de Kora. Je relate en temps réel et mémorise.
Un regard vague, la promesse d'une rencontre, d'un sibyllin pas de deux : je ne suis que cette hypothèse - Libecciu, un ex - îlien solitaire en partance pour quelque délires labyrinthiques.
La face cachée de l'île exerce une étrange force gravitationnelle. Voici un balcon duquel le manque de limite agit à l'instar du vide, pousse à aller plus loin, à se perdre parmi la multitude des moutons, à transgresser, à sublimer le néant absolu des horizons bleus peuplés de mythes, de hasards, de songes à ciels ouverts.
A la forte mer palingénésique !
Une petite île et son histoire prennent le large, illusionne en décuplant les distances qui la séparent de l'extrême pointe Nord à laquelle se rallier... Ces conditions éloignent, absentent, voyagent et transportent l'hiver au plus près des hautes latitudes.
Si l'Albatros manque à l'appel, son lointain et petit prince des nuées, le Puffin Cendré, infatigable migrateur, me destine et m'accompagne en volant durant toute la durée de cette échappée. Puissè-je en revivre un jour les horizons, les révélations, les pans de vérité, qui sait, sur la Voie
!
L'on ne se méprendra point, jamais, à propos du sens de ces folles virées ! Je suis plus que tout connecté avec les mondes authentiques et en sursis que les malfrats, les magnats dévastent et meurtrissent à toujours. Je ne fais, hélas ! plus confiance aux embruns de la mer que séides et lobbyistes affidés souillent et empoisonnent )
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CRISTIAN GEORGES CAMPAGNAC
http://marin56.canalblog.com/2024/05/face-cachee.html
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