RAYMOND FARINA
Ces parcelles de monde
ce délire tangible
ces troublantes énigmes
bruissant au fond des choses
tous ces petits hasards
cruels ou bienveillants
entrent dans tes desseins
& deviennent ton monde
Effacé sous ton front
l'Enfer qui ne serait
que ce frêle phantasme
d'une vie que l'on passe
à se rêver de sable
à croire que tout passe
que tout est dérisoire
& tu deviens celui
qui sait que tout devient
qui sait qu'est seulement
ce qui toujours revient
que ne sera jamais
expulsé de la Roue
celui qui sait cela
Celui dont tout procède :
le devenir des feuilles
des brindilles des presque
le pouls sensible à peine
de tout ce qui respire
dans l'étonnement d'être
& l'appel des possibles
qui malgré tout s'obstinent
entre abîme & lumière
entre absence & tendresse
l'espoir avant la mort
d'un oui d'avant la vie
Léger & spontané
ce qui fut imposé
ce qui d'hier te pèse
& qu'il fasse neige ou soleil
c'est chaque fois selon ton vœu
Tu as au bout des doigts l'aurore
& tout commence à leur contact
De chacun de tes mots
de chacun de tes gestes
tu sors plus jeune qu'un désert
surpris par ton dernier visage
dans l'instant percutant
où tu n'as plus qu'étoile en tête
que fraîcheur en mémoire
Possible que demain t'élève
tout ce qui t'avait avili
Possible que deviennent
ferment de force ta faiblesse
ferment de beauté ta démence
& la mort occasion de naître
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RAYMOND FARINA
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Photographie Nathalie Louis