ILE ENIGER...Extrait
Ce matin, à onze heures, la petite persane douce, bienveillante, qui m'accompagnait depuis plus de treize ans, est morte d'une piqûre sur la table dure et grise d'une clinique vétérinaire. Depuis quelque temps, ses reins s'étaient mis à ne plus vouloir fonctionner. Elle avait lutté la boule de poils légère et tendre, elle avait lutté à sa manière délicate et discrète. Et puis elle n'avait plus eu faim, ni de ses gamelles, ni de la vie, ni même des jeux avec ses souris en peluche. Elle avait dormi, beaucoup, trop. Et hier, la vétérinaire avait dit qu'il était temps de la laisser partir. Partir ? mais où ? Toute la nuit dernière, je lui ai expliqué, entre deux caresses, qu'il ne fallait surtout pas qu'elle ait peur, que je l'aimerai toujours, que nous avions eu des années merveilleuses ensemble, et qu'elle allait devenir un ange-chat au vu de toute la tendresse qu'elle avait distribuée pendant sa vie de blanche minette poids plume. Elle m'écoutait, ses yeux bleus tendus vers moi, mi-couchée parce qu'elle n'arrivait plus à se tenir debout. Puis le jour s'est levé et nous l'avons accompagnée, mes filles et moi, pour qu'elle sente bien que l'amour ce n'est pas une blague, qu'il est éternel. Sur la table grise et dure, elle s'est envolée tranquillement, accompagnée des sacs de larmes de nos voix, de nos mains qui la tendressaient, et de l'empathie de la vétérinaire. On me la rendra, dans une semaine, sous forme de petits graviers légers qui iront dormir sous un bel arbre. Et moi, ce soir, imbibée d'une peine sans fond, effondrée d'une douleur qui sans cesse cherche sa silhouette, vide et seule, je donnerais n'importe quoi pour qu'elle soit encore là, à gratter la terre des pots sur la terrasse et à toucher mon bras de sa patte douce, si douce.
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ILE ENIGER
L'ordinaire des anges - (à paraître)
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