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EMMILA GITANA
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5 janvier 2011

L'HOMME ET LA VILLE ....Extrait

" Le moins qu'on puisse dire du pouvoir, c'est que la vocation en est suspecte "

Jean Rostand



(...) La domination est un phénomène précis. Elle s'exprime par l'impossibilité, pour le prolétariat, d'assurer son propre destin. Toutes les décisions essentielles de la vie individuelle et collective sont entre les mains des autres, monopoles, groupes de pression économique, mais aussi bien des technocrates et bureaucrates à l'Est européen. Or, ces groupes de pression ne sont pas maîtres de leur destin. Ils se trouvent engagés dans le déterminisme implacable du profit pour le profit, de la domination pour la domination, plus que de celui du profit pour eux-même en tant qu'utilisateurs de biens consommables. Le régime parlementaire réalise enfin cette tromperie remarquable qu'il paraît autoriser l'expression de la volonté du plus grand nombre, alors que ce plus grand nombre, intoxiqué par l'information dirigée, ignorant les facteurs économiques et politiques fondamentaux, inconscient du jeu dont il est l'objet, obéit. Il obéit au second degré, car il obéit au déterminisme de la classe dirigeante, elle-même dirigée par ses propres motivations de façon tout aussi inconsciente.
C'est pourquoi la notion de classe, malgré les réalités qu'elle contient, détourne l'attention du problème fondamental de la destinée humaine. Puisqu'on nous parle de l'essence de l'homme, cette essence, est-elle le travail qui débouche sur la production de biens consommables, ou la connaissance, qui y débouche indirectement après avoir passé par une finalité différente ? C'est cela le vrai problème. Si l'essence de l'homme est la connaissance, l'évolution est ouverte en grand, infiniment. Si l'essence de l'homme est le travail, l'évolution est prête pour les crises, les dominations économiques et les guerres, quelles que soient les idéologies dominantes.
Le profit consommable, finalité apparente du comportement du bourgeois, ne lui " profite " pas autant que les efforts qu'il fait pour l'obtenir le mériteraient. Il n'est pas besoin de ces industries gigantesques, de ces monopoles tentaculaires, pour satisfaire la consommation de quelques directeurs, de quelques managers ou P.D.G. Si la finalité de ces quelques hommes n'était que cela, on pourrait conseiller au prolétariat de leur offrir une vie identique à ne rien faire, il s'en tirerait au meilleur prix. La motivation inconsciente ne peut être limitée à l'appétit de consommation, et l'erreur du prolétaire bien souvent, pour lequel cet appétit est d'autant plus légitime qu'il ne peut l'assouvir, est d'attribuer ses propres sentiments au bourgeois.
Finalement, la motivation réelle du bourgeois est la domination. La notion de propriété des objets et des êtres, celle par la suite des moyens de production, celle enfin de leur gestion est intimement  liée au désir du pouvoir. On peut faire disparaître progressivement les différentes formes de la propriété, le désir de dominer persiste. La bureaucratie en est un exemple.
Si la notion de propriété individuelle des objets paraît n'être qu'un reliquat d'époques inconscientes et ascientifiques de l'Humanité, la notion de propriété collective ne paraît pas mieux fondée. La seule possession que l'on puisse accepter, c'est celle du monde par l'humanité. L'essentiel est alors d'imaginer comment on peut organiser son exploitation universelle et pas seulement au bénéfice d'un clan, d'un groupe, d'un état ou d'une classe sociale, serait-ce même du prolétariat. Or, sur le plan sociologique aussi le problème risque de rester encore biologique. En effet, en l'absence de propriété privée ou même collective des biens, en particulier des moyens de production, il restera encore à résoudre, à tous les échelons d'organisation sociale que l'on peut alors imaginer planétaires, l'orientation et la finalité de leur emploi. Ne risque-t-on pas alors de voir à nouveau s'imposer les cerveaux reptiliens les plus agressifs, monopolisant une fois de plus les informations et ne laissant filtrer vers le plus grand nombre que celles susceptibles de maintenir leur hégémonie sociale ou celles du groupe qui les a motivées ? Si le pouvoir est effectivement dissociable de la propriété, et si cette dernière n'a jusqu'ici été qu'un moyen d'accéder au pouvoir, n'est-ce pas le pouvoir qu'il faut généraliser " ? Mais comment généraliser le pouvoir sans généraliser l'information, car pour agir il faut être informé.
Or, si les informations restent la propriété d'une classe qui ne diffuse que celles susceptibles de perpétuer sa domination, on est certain de tourner le dos à l'évolution. D'autant plus que cette classe elle-même ne sera sensible
Nous ne sommes pas sensibles aux ultrasons parce que la structure de notre appareil sensoriel ne nous le permet pas. Mais un bourgeois ne peut être, de la même manière, sensible qu'aux informations qui peuvent s'insérer dans le cadre de ses automatismes acquis. Il ne pourra donc diffuser, en retour, que les informations du même type, à l'exclusion des autres qui sont pour lui non signifiantes, car  elles sont comme exprimées dans une langue qu'il ne comprend pas.
Il n'est que de voir le raidissement de nos sociétés bourgeoises, qu'elles soient de l'Ouest ou de l'Est, en face du pullulement des idéologies gauchistes, qui sont parfois l'expression d'un mouvement imaginatif et créateur, malheureusement trop exclusivement littéraire et pas encore scientifiquement élaboré
qu'à un certain type d'informations, celui qui entre dans son schéma culturel.


HENRI LABORIT

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