ANNA MARIA CARULINA CELLI...Extrait
Des cartons entassés
A l'entrée de la demeure de naguère
Logis des gens d'autrefois
Que nous étions
Que nous avons abandonné
Chacun de son côté
De lasse guerre
Une maison de brins de paille
Un taudis de miteux fragments d'air
Où tu passais en coup de vent
La paillasse de tes nuits
L'adresse de mes levants
Il n'en reste rien aujourd'hui
Qu'un trou de mémoire
Une pagaille de mots
Tombés sur le champ de bataille
Un seuil sur le vide
Une fenêtre suspendue à un souffle
Sous des rideaux tremblants
Une porte bat de l'aile
A travers le silence
Une maison si nue
Qu'elle ne peut même cacher sa flétrissure
Pourquoi y être revenus
Puisque tu n'as rien apporté ?
Ces cartons à mon nom sont fermés
Je ne les ouvrirai pas
Je les laisse là
Je n'ai plus l'âme à repeupler le désert
A engranger des paroles d'amour pour l'hiver
L'usure de mes vertèbres
M'interdit de courber l'échine
A ramasser cailloux et débris de roseaux
Pour les tisser au fil d'un éphémère nuage
Je vois à travers toi
Les fantaisies nomades
D'un rêveur sédentaire
On ne refait pas le monde
On ne refait pas hier
Avec seulement deux mains et une pierre
Je ne sais plus
A moi seule
Etre un mur
Emplir de chaleur le cercle d'une chambre
Je n'ai de feu que pour mes doigts
Ce n'est pas parce que nous frottons quelques fois
Nos impudeurs dans la nuit
Qu'il me reste assez de sang pour nos deux bouches à nourrir
Pourquoi ce rendez-vous
Si tu n'as rien apporté
Que la rengaine du passé
Qu'un coeur à tout rompre?
ANNA MARIA CARULINA CELLI
Oeuvre Claude Monet