CHRISTIAN RUSPINI...HOMMAGE
Si le soleil revient, si le soir descend
si la nuit a un goût de nuits à venir,
si un après-midi pluvieux semble revenir
d’époques trop aimées et jamais entièrement obtenues,
je ne suis plus heureux, ni d’en jouir ni d’en souffrir ;
je ne sens plus, devant moi, la vie entière…
Pour être poètes, il faut avoir beaucoup de temps ;
des heures et des heures de solitude sont la seule
façon pour que quelque chose se forme, force,
abandon, vice, liberté, pour donner un style au chaos.
Moi je n’ai plus guère de temps : à cause de la mort
qui approche, au crépuscule de la jeunesse.
Mais à cause aussi de notre monde humain,
qui vole le pain aux pauvres et la paix aux poètes.
- Pier Paolo Pasolini
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Parce que tu avais un grand grand coeur, du talent et de la sensibilité, je te souhaite " une longue route " parmi les étoiles ; que la terre te soit légère , Ami
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Comédien, metteur en scène, auteur, photographe, poète.
Il se forme à Nice avec Henri Legendre à la fin des années 80, puis avec Mireille Baudon à Porto-Vecchio. Depuis 2001, il poursuit sa formation, notamment aux côtés de Robin Renucci, Anne Cornu et Vincent Rouche, Noël Casale, René Jauneau et collabore régulièrement avec l’Aria.
Si vous souhaitez l'écouter ( le pénitent et le dernier Corse)
https://qui-magazine.fr/podcasts-nouvelle-inedite/
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Ami, cache ta vie et répands ton esprit.
Un tertre, où le gazon diversement fleurit ;
Des ravins où l'on voit grimper les chèvres blanches ;
Un vallon, abrité sous un réseau de branches
Pleines de nids d'oiseaux, de murmures, de voix,
Qu'un vent joyeux remue, et d'où tombe parfois,
Comme un sequin jeté par une main distraite,
Un rayon de soleil dans ton âme secrète ;
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Calme et pure, à travers les âmes fécondées,
Un immense courant de rêves et d'idées,
Qui recueille en passant, dans son flot solennel,
Toute eau qui sort de terre ou qui descend du ciel !
Toi, sois heureux dans l'ombre. En ta vie ignorée,
Dans ta tranquillité vénérable et sacrée,
Reste réfugié, penseur mystérieux !
Et que le voyageur malade et sérieux
Puisse, si le hasard l'amène en ta retraite,
Puiser en toi la paix, l'espérance discrète,
L'oubli de la fatigue et l'oubli du danger,
Et boire à ton esprit limpide, sans songer
Que, là-bas, tout un peuple aux mêmes eaux s'abreuve.
Sois petit comme source et sois grand comme fleuve.
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- Victor Hugo
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Texte en français ci-dessous ...
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Ce pays-là n’est pas pour les vieillards. Les garçons
Et les filles enlacés, les oiseaux dans les arbres
– Ces générations de la mort – tout à leur chant,
Les saumons bondissants, les mers combles de maquereaux,
Tout ce qui marche, nage ou vole, au long de l’été célèbre
Tout ce qui est engendré, naît et meurt.
Ravis par cette musique sensuelle, tous négligent
Les monuments de l’intellect qui ne vieillit pas.
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Un homme d’âge n’est qu’une misérable chose,
Un manteau loqueteux sur un bâton, à moins
Que l’âme ne batte des mains et ne chante, et ne chante plus fort
A chaque nouvelle déchirure qui troue son habit mortel,
Mais il n’est qu’une seule école pour ce chant, c’est l’étude
Des monuments de sa propre magnificence ;
Et c’est pourquoi j’ai traversé les mers pour m’en venir
Jusqu’à la cité sainte de Byzance.
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Ô vous, sages dressés dans les saintes flammes de Dieu
Comme dans l’or d’une mosaïque sur un mur,
Sortez des flammes saintes, venez dans la gyre qui tournoie
Et soyez les maîtres de chant de mon âme.
Réduisez en cendres mon cœur ; malade de désir,
Ligoté à un animal qui se meurt,
Il ignore ce qu’il est ; et recueillez-moi
Dans l’artifice de l’éternité.
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Une fois hors de la nature, je n’emprunterai plus
Ma forme corporelle à nulle chose naturelle, mais
A ces formes que les orfèvres de Grèce
Façonnent d’or battu ou couvrent de feuilles d’or
Pour tenir en éveil un Empereur somnolent ;
Ou qu’ils posent sur un rameau d’or pour qu’elles chantent
Aux seigneurs et aux dames de Byzance
Ce qui fut, ce qui est, ce qui est à venir.
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"Sailing to byzantium" de William Butler Yeats
Traduction en FrançaisJ.-Y. Masson,
in, Anthologie bilingue de la poésie anglaise, La Pléiade, Gallimard, 2005
Traduction en Corse Marc Biancarelli
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« J’écoute la mer, j’écoute le vent,
j’écoute les voiles qui parlent avec la pluie et les étoiles
dans les bruits de la mer et je n’ai pas sommeil.
Je pense à William Willis,
tout seul sur son radeau de balsa pendant des mois et des mois dans le Pacifique,
avec la mer à lui tout seul au milieu de l’univers.
Et parfois il entendait le “Chant” par toutes les fibres de son être.
Je l’entends aussi depuis quelques temps.
Et c’est peut-être ça, la longue route.
(…)
Le vrai journal est écrit dans la mer et dans le ciel,
on ne peut pas le photographier pour le donner aux autres.
Il est né peu à peu de tout ce qui nous entoure depuis des mois,
les bruits de l’eau sur la carène,
les bruits du vent qui glisse sur les voiles,
les silences pleins de choses secrètes entre mon bateau et moi,
comme lorsque j’écoutais parler la forêt quand j’étais gosse.
...
Le sillage s'étire, blanc et dense de vie le jour,
lumineux la nuit comme une longue chevelure de rêve et d'étoiles.
L'eau court sur la carène et gronde ou chante ou bruisse,
selon le vent, selon le ciel, selon que le couchant était rouge ou gris.
Il est rouge depuis plusieurs jours et le vent chantonne dans le gréement,
fait battre une drisse parfois contre le mât,
passe comme une caresse sur les voiles et poursuit sa course vers l'ouest,
vers madère,
tandis que Joshua descend vers le sud à 7 nœuds dans l'Alizé
....
C'est toute la vie que je contemple,
le soleil, les nuages, la mer, le temps qui passe et reste là.
C'est aussi, parfois,
cet autre monde devenu étranger,
que j'ai quitté depuis des siècles.
Ce monde moderne artificiel
où l'homme a été transformé en machine à gagner de l'argent
pour assouvir de faux besoins, de fausses joies.
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- Bernard Moitessier
" La longue route "
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LAETITIA EXTREMET....Extrait
JEAN DIHARSCE...Extrait
LES PAS DE L'EAU...Extrait
Je connais le bruissement de l’aile des cailles.
La couleur du plumage des outardes, les traces de la foulée des chevreuils.
Je sais bien où poussent les rhubarbes, quand vient l’étourneau,
Quand chante la perdrix, quand meurt le faucon.
Je sais comment se lève la lune dans le rêve du désert.
Je connais la présence de la mort dans la tige du désir,
Et le plaisir au goût de framboise que procure l’étreinte charnelle
La vie est somme toute une habitude agréable.
La vie a des ailes aussi vastes que la mort,
Un essor vertigineux comme l’amour.
La vie n’est pas cette chose que nous oublions, toi et moi,
L’ayant égarée naguère dans la niche de l’habitude.
La vie est cette main tendue qui s’apprête à cueillir
Les premières figues noires dans la bouche acre de l’été,
La vision qu’offre l’arbre aux yeux multiples des insectes,
La sensation étrange qu’éprouvent les oiseaux migrateurs,
Le sifflement d’un train qui vire dans le rêve d’un pont,
(…)
La vie est reflet multiplié par le miroir,
Fleur « à la puissance de l’éternité »,
Elle est : terre amplifiée par nos battements de cœur,
Géométrie simple et monotone de nos respirations.
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SOHRAB SEPHERI
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Oeuvre Olha Pilyuhina
Artiste Ukrainienne contemporaine
JEAN DIHARSCE...Extrait
THIERRY MATHIASIN...Extrait
DU TEMPS....Extrait
LE DOCTEUR JIVAGO....Extrait
BLEU
Commencer par le bleu car c’est notre origine. C’est nous, c’est moi. Bleu c’est et le ciel et l’eau, c’est l’eau parce que le ciel et au-delà du bleu, il n’y a plus que de la nuit.
Bleu est un absolu. Si on recherche la pureté, on peut commettre l’erreur du blanc mais droit devant, plus forte, plus attirante encore est la densité du bleu.
À la racine, il y a l’outremer. La pompe animale qu’enserre ma poitrine envoie jusqu’aux extrêmes de mon corps de l’outremer avec la puissance d’une marée et comme elle, c’est inlassable. La couleur ne tarit pas. Elle n’est que force. Seule s’épuise lentement l’énergie et le mouvement.
Outremer, c’est aussi cette trace marine dans le bleu au sortir des nuits abyssales. Quelque chose venu d’ailleurs, hors du champ déterminé du bleu. C’est au-delà de la couleur mais tout est là, varech, limon, puissance décomposée des roches, l’odeur du sel aussi et, sur la palette du monde, l’alchimie de la première eau prend nom, forme et densité.
On sculpte l’outremer. On pétrit par la main et l’esprit bien plus que la de pâte-couleur. Le meilleur de l’humain est teinté de mer sans fond par temps d’été, brûlure et froidure. Un peuple tout entier chante en lui, roulé par les courants des profondeurs. Dans les fleuves masqués des fonds sans lumière coule une vie inéluctable, une vie d’avant la vie.
Être fidèle. On en revient à cela. Le bleu sans fin m’appelle tant que reste un souffle de vie en moi. Dans la détresse aride du désert, dans l’épuisement des sentiers de montagne, loin au dessus du monde, sous le couvert moite des terres végétales, je m’abîme dans l’intensité du bleu, je prie une divinité qui n’a ni visage ni contours mais qui répand son azur entre chaque cellule vivante. Un pas après l’autre, j’avance et puise à la une pile indigo qui m’anime, jusqu’au plus haut, jusqu’au plus loin.
Revenir des profondeurs, c’est répondre à l’appel d’un bleu toujours plus transparent. Les colosses océaniques le savent, eux qui explorent les eaux de leur chant limpide, et sans cesse nous venons, comme eux happer cette goulée de lumière, cet azur crevé de soleil, quand le morne menace de nous engloutir.
Il n’y a pas de mensonge possible. Le bleu est dans le regard. Il ignore l’iris de l’œil et traverse la vision, jusqu’au revers des apparences.
Même loin de toute couleur, même dans le plus obscur des enfers, il reste une touche de cœur et, à n’en pas douter, elle est bleue.
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LEILA ZHOUR
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